De par son utilisation abusive, le terme motherfucker a énormément perdu de son sens. Être un vrai motherfucker aujourd'hui est donc devenu un acte noble et difficile. Julien Barthélémy (King Ju / Pop-Hip / Reverb-man), créateur de Stupeflip, fait partie de ceux-là, et c'est après 6 ans d'attente que ce nouvel opus envahit enfin la population.
Stupeflip fait partie de ces groupes forcenés à qui il est impossible de mettre des bâtons dans les roues. En effet, après s'être fait virer de manière honteuse par BMG, ils décident de s'auto-produire avec en prime un énorme soutien de leurs fans. Ceci est parfaitement compréhensible car, de par sa singularité, Stupeflip a tous les attributs du groupe culte. Et il faut soutenir ces groupes hors normes, qui ouvrent leurs gueules, qui ont des couilles et qui osent le mélange des genres avec un son atypique.
Ici, donc, on retrouve tout ce qui est cher aux yeux du C.R.O.U : le hip hop (celui du Wu Tang Clan ou de Gravediggerz, que l'on retrouve sur les instrus démentielles de "Stupeflip vite !!!", "La Menuiserie" et "Apocalypse 894", grâce à un excellent travail sur les basses, et ce sans jamais tomber dans le caricatural), la pop française des années 80 (celle de Elli & Jacno avec ses synthétiseurs minimalistes), le punk californien (grâce aux guitares électrique distorsionées mais propres), ainsi que leurs fameux interludes aussi hilarants qu'inquiétants qui rappellent, entre autres, les expérimentations de The Residents.
Ce pot pourri renvoie une nouvelle fois à un univers de bande dessinée évident, les chansons se dessinant comme des cases qui, de disque en disque, nous en apprennent plus sur cette mystérieuse organisation, ses membres (une bande d'antihéros aussi motivés que la Justice League of America de chez DC, mais en plus roots donc et qui lorgnent plus du coté CGT que du coté démocrate) et "L'ère du Stup".
Les textes sont toujours aussi savoureux, teintés d'un humour noir bien senti jamais vulgaire et d'un pathétique assumé (l'épisode du crayon Titi est un must), franc et sincère.
Mais, The Hypnoflip Invasion semble aller encore plus loin dans le malaise que ses deux prédecesseurs. On ressent vite la difficulté qu'a éprouvé King Ju à élaborer cet album mais surtout la déception d'un être spirituel essayant de croire, en vain, en une humanité qui se délabre au fur et à mesure du temps, devant ses yeux impuissants.
Ce nouveau pavé dans la marre est donc une fois de plus réalisé avec intelligence et démontre aussi qu'il est possible de s'imposer dans le paysage sonore français avec originalité et un savoir-faire non négligeable.
Alors tiens ! Prends ça dans ton cul ! Car ce disque est très bon et mérite d'être aussi populaire que le chanvre.
Faites tourner ! |