Les
tchacheurs toulousains des Fabulous Trobadors
sacrifient à la tradition de la conférence de presse
avec bonhommie et après leur très applaudi concert.
Connaissant leurs convictions culturelles très affirmées,
un intervenant cherche à les pousser hors de leurs retranchements.
Et bien les Fabulous Trobadors ne s'en laissent pas conter...
Nous vous avons découvert chez Bernard Lenoir avec Pas de
ci pas de ça et à l'époque vous faisiez des
repas de quartier. Les faites-vous toujours?
Claude Sicre : Non seulement nous les faisons toujours
depuis 12 ans maintenant mais nous les avons exportés partout
en France et même ailleurs.
Cela explique votre présence ici à
Solidays?
Claude Sicre : Ce qui fait le lien avec Solidays
c'est que nous faisons un travail de quartier sur tous les sujets
et nous sommes sensibles à toutes les questions qui se posent.
Quel est votre sentiment à l'issue de ce
concert où vous avez vraiment conquis un public très
nombreux au point même d'avoir un rappel ?
Ange B. : Malgré la pluie, ils sont venus.
C'est un très bon concert. Ils ont bien dansé.
Claude Sicre : Nous leur avons fait danser la ronde
toulousaine qui est très particulière. Chacun passe
au milieu pour improviser dan son genre.
A propos d'improvisation, quelle est la part de
l'improvisation dans votre spectacle notamment dans vos joutes oratoires?
Ange B. : C'est très écrit. Pour
improviser à ce niveau là il faut être très
très fort. Ce qu'il y a c'est qu'on ne le fait jamais pareil.
Etes-vous un groupe militant?
Claude
Sicre : Oui. Mais cela n'a rien à voir avec la musique. Les
deux activités sont séparés. Pour ma part je
ne suis pas très fan de la chanson politique. La musique
est politique en soi par exemple quand elle fait danser les gens
ensemble toutes générations confondues Même
si tu ne chantes que yéyéyé c'est encore plus
politique que dire expressement les choses. "L'anniversaire"
n'est pas une chanson militante mais le fait de faire improviser
les gens me paraît plus politique qu'une chanson qui dit :
"Je suis contre Le Pen".
Vous êtes plus dans une activité
de terrain?
Claude Sicre : Oui. D'un côté tu
fais des choses en tant que habitant du quartier ou des trucs culturels
et après tu fais de la musique et les paroles font leur travail
d'elles-mêmes. Bien sûr que dans nos textes on dit aussi
des choses.
Quand vous parlez de Chirac?
Claude Sicre : Non, il faut pas le prendre au sérieux.
Ce n'est pas plus engagé que ce que font les Guignols.
Qu'est-ce qui se passe à Toulouse ?
Claude Sicre : Il ne se passe rien si tu ne fais
rien. Il y a des gens qui attendent toujours que ça se passe.
Nous n'attendons pas nous faisons. Ce n'est pas la même démarche.
Vous faites de la musique folk?
Claude Sicre : Nous avons des copains qui sont
dans le mouvement folk mais c'est un mouvement qui tourne en rond
sans faire de ronde en plus. Nous n'avons rien à voir avec
ça.
Et la culture musicale occitane?
Claude Sicre : Elle est morte depuis longtemps.
C'est moribond. Il faut aller chercher les choses dans les villages
et les mettre en ville aussi pour les remettre dans le village.
Vous n'êtes pas traditionnaliste?
Claude Sicre : Peut être le sommes nous davantage
que les traditionnalistes. Je suis pour la musique des années
30 car c'est de la transe africaine. Alors que les folkeux ils sont
arrivés avec leurs petites études du conservatoire
et ils font de la folk de merde. Ils ont enlevé tout ce qu'il
y avait de bien dans la musique traditionnelle subventionnée
à fond. Ils ont assis le rythme comme ils disent parce que
les gens d'avant ne jouaient pas comme eux l'ont appris à
l'école. Dans toutes les régions on n'a eu de cesse
de supprimer toutes les spécificités, les instruments
bizarres…
C'est peut être aussi pour rencontrer le
public…
Claude Sicre : Ce n'est pas le public qui invente.
Il faut lui proposer des choses de qualité. Je suis pour
le folklore en costumes avec la musique de l'époque. Mais
les cultureux ont tués tout ce qui était vivant.
Vous tournez à l'étranger?
Claude Sicre : Changeons de sujet…il a raison….
Ange B. : En Suisse, en Belgique, en Hongrie, au pays
basque, on joue partout. Même dans les pays où ils
ne comprennent pas la langue et ils aiment beaucoup.
Vous avez fait la Maroquinerie..
Ange B. : Oui, ça s'est bien passé et les
gens suivent bien car ils connaissaient par cœur les textes.
Vous avez de nombreux concerts prévus pour
cet automne?
Ange B. : Oui, il faudrait le papier…
Claude Sicre : Nous, nous nous engageons face à
notre public en lui disant le contraire de ce qu'il vient chercher.
Nous ne sommes ni régionalistes ni nationalistes. Nous chantons
en occitan si ça plaît tant mieux, si ça plaît
pas on s'en fout. On ne transige pas. C'est notre façon d'être
engagé.
Il y a le film Carnet de voyage qui sort…
Claude Sicre : ..ne nous parlez pas du film de
l'américain contre Bush…
Pourquoi?
Claude Sicre : Faire un film sur Bush pour dire
qu'il est méchant ne sert strictement à rien. Que
les gogos aillent le voir. C'est de la daube de bonne conscience.
Le film Carnet de voyage parle de l'adolescence
du Ché…
Claude Sicre : Je m'en fous des icônes. Les
icônes, les grands discours idolâtres sont contraires
au travail de base et souvent ils tuent le travail de base. Je suis
militant dans mon quartier depuis 35 ans et depuis 35 ans tous ces
discours viennent faire chier mon travail de base. Il y a le Ché
et puis après il y a Porto Alegre. Il y a 3 ans il y a eu
des actions municipales à Toulouse. La LCR, les verts et
le PS sont venus avec Porto Alegre. D'abord ils disaient : "J'ai
passé beaucoup de temps au Brésil et j'ai rencontré
pleins de gens à Porto Allégré".
S'ils prononcent ainsi c'est qu'ils ne parlent
pas un mot de brésilien et qu'ils n'ont rencontré
personne. Si, ils ont rencontré Danielle Mitterand et Bernard-Henri
Lévy au restaurant. Ils ont soutenu en France les conseils
de quartier qui est une connerie et ils n'ont jamais parlé
des comités de quartier qui existent depuis des années.
La gauche bien pensante tue le travail de base au nom de ses grands
idéaux et de ses grandes icônes.
Claude Sicre : "Je n'idolâtre pas le
Ché ni les moines du Tibet, Je ne rie pas aux gags de Bedos,
Et je ne fais pas confiance à Marcos".
Et le métissage des cultures?
Claude Sicre : Les peuples ont des cultures séparées.
Je défends l'intégrité des cultures. Le métissage
ne profite qu'à un seul. Le concept d'altermondialisation
est le concept le plus réactionnaire qui soit. Dire Je veux
un autre monde c'est exclure tous les mondes qui existent. Deuxièmement,
moi je ne veux pas un monde un. Je veux un monde pluriel dans lequel
tous les peuples s'allient selon un contrat précis. Il faut
déjà que les peuples existent en tant que peuple.
D'ailleurs je remarque que ces altermondialistes ne parlent pas
du tout de la lutte démocratique éminemment exemplaire
de la Kabylie qui se passe à nos portes et qui a des répercussion
sur les enfants berbères qui sont en France.
La seule force c'est celle de l'union des peuples
désaliénés.
... Moi je n'ai pas à être engagé
parce que je n'ai jamais été désengagé.
Je n'ai pas le matin à réfléchir pour choisir
quelle cause je vais défendre. Je travaille au niveau de
mon quartier et je suis dans la merde. Les problèmes se posent
tous les jours et je suis engagé de fait. Je suis français
et je suis engagé au niveau du peuple français et
du peuple français qui a des problèmes. Je suis aussi
militant occitan pour la défense de l'occitan mais aussi
des langues européennes. Jospin a signé la charte
des langues européennes mais je n'ai pas vu d'articles dans
la presse sur ce sujet. Ainsi la langue berbère est langue
de France…
Ange B. : Tiens prends ta
carte camarade...(*)
Claude Sicre : …pareil pour la langue gitane.
Tu as vu les films de Tony Gatlif ?
Claude Sicre : Oui. Je fais un festival qui
s'appelle "Peuples et musiques" au cinéma à
Toulouse depuis 5 ans.
L'intervenant un peu écoeuré de ne pas arriver à
ses fins quitte le micro
Quelle est votre actualité immédiate?
Ange B. : A Paris nous allons faire le festival des quartiers
d'été avec des joutes de rue les 20,21, 22 juillet
et le 24 un concert avec les Bombes 2 Bal au Jardin des Tuileries.
(*) il ne s'agit pas de la carte du PS...mais du ticket d'accès
au restaurant !
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