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puce Je ne veux pas mourir, je veux en finir avec la vie : expérience bipolaire et suicide
Ann Heberlein  (Editions Actes Sud)  avril 2011

"Savoir si la vie vaut ou ne vaut pas d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie". Ouvrant ainsi son Mythe de Sisyphe, Albert Camus fait de la question du sens de la vie la quête existentielle indépassable, sans préjuger de sa réponse. Vivre ou mourir est le fruit d’une décision qui porte avec elle tout le poids de notre conscience incarnée.

Ann Heberlein connaît parfaitement ces réflexions. Issue d’une double formation en philosophie et en théologie, c’est une intellectuelle tout à fait à l’aise avec l’univers des idées. Et pourtant elle ne peut transférer ce champ d’analyse à son existence : "Mon angoisse n’est pas du genre existentielle, chic et cultivée. Elle n’est pas seyante […]. Elle rampe à quatre pattes et se tape la tête contre les murs. Des coups, des coups jusqu’au sang […]. Mon angoisse est moche, elle pue, il faut la dissimuler". Le sens disparaît, l’angoisse étouffe tout et ne laisse même pas le luxe du désespoir raffiné qu’affectent les dandys. Ann Heberlein est même incapable de penser qu’elle veut mourir : la vie lui est insupportable et veut s’éteindre d’elle-même, sans passage à l’acte revendiqué.

Incompréhensible… Mais Ann Heberlein ne se comprend pas elle-même : elle n’en a ni la force, ni la lucidité. D’autant plus incompréhensible que pour un œil extérieur sa vie sociale est parfaitement réussie : double docteur en philosophie et théologie, intellectuelle reconnue, invitée à la télévision et à la radio, publiant dans la presse… épouse d’un homme qui lui dispense son amour sans compter en acceptant ses défauts avec une patience infinie, lui pardonnant ses nombreuses infidélités ; mère de famille… D’aucuns appelleraient cela le bonheur. C’est du moins ce que notre monde peut nous proposer de mieux. Une fausse note dans ce tableau idyllique : un problème de dettes. Mais ce problème n’est pas la cause du trouble, il en est plutôt l’effet. Le mari lui pose un verdict définitif sur un ton de désolation : "Tu ne connaîtras jamais le bonheur". La voici coupée de tout espoir.

A défaut de compréhension s’impose un diagnostic : l’auteur souffre de troubles bipolaires. Balançant sans cesse de phases maniaques dans lesquelles elle est portée par un sentiment de toute puissance que rien ne peut modérer, à des phases dépressives où tout perd sens et où elle ne sait même plus ce qu’est "vivre", elle ne contrôle rien et se trouve prise au piège du retour éternel des prises de médicaments et des passages en accueils psychiatriques. Ce livre est le témoignage d’une femme qui regarde la vie passer devant ses yeux, et qui réussit tout juste à affecter une certaine contenance dans les relations sociales. Maquillage parfait et tenues chic tiennent le monde éloigné de ses turpitudes. Personne ne se doute de l’état psychique que masque le fard : la maladie mentale est sale dans l’imagerie populaire (meilleur moyen, sans doute de penser qu’elle ne nous concerne pas). "Je suis consciente de l’impossibilité du dialogue. Des limitations de la conversation. La bêtise des gens – ou s’agit-il de ma propre incapacité à communiquer ? – me déprime. Me décourage profondément. A quoi bon si personne n’écoute ? Si vous n’entendez que ce que vous voulez entendre, et ne gardez de vos lectures que ce que vous-vous attendez à y trouver ? Mes mots sont incapables de surmonter un tel obstacle. Ils ne parviendront pas jusqu’à vous". Nous voici prévenus. Les mots finement choisis peuvent avoir le même effet que la cosmétique parfaite : ils nous éloignent pour peu que soyons incapables de sentir leur point d’effondrement, ce qu’ils ne peuvent dire mais tentent désespérément de porter. C’est une lecture impossible que celle de ce livre. Et il faut bien avouer que l’on peut y ressentir des instants d’agacement face ce qui pourrait apparaître comme de l’égoïsme, de l’indifférence, de la suffisance…

Et pourtant il faut sentir derrière cela ce que nous ne pouvons recevoir si nous ne connaissons pas la dépression. Ces agacements sont peut-être le fruit de notre propre indifférence… Car on sent la détresse qui ne cherche même plus de secours. Et en filigrane de ce livre, un effacement d’un être que rien ne peut empêcher et dont nous sommes les spectateurs passifs sans pour autant être voyeurs. Une fatalité dont nous ne pouvons qu’être témoins. Un signe de ce monde où la volonté s’effondre sans qu’on puisse la juger puisqu’elle n’attend rien de personne.

 

Philippe Gauthier         
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"All is dust" de Karkara
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