La météo. C’est bien connu, quand on ne sait pas quoi dire, surtout en intro, par peur de faire un hors sujet, par peur de perdre l’attention, on parle météo. Et même si la conversation tombe à l’eau juste après, on ne peut pas s’empêcher de lancer un (évident) "fait beau hein ?" sous ce beau soleil, ou encore un "froid ce matin ?" (en dégivrant le pare-brise).
Et même si c’est stupide de constater le chaud en été et le froid en hiver, on continue. Avec des variantes quelques fois : "On se croirait à la Toussaint" (en faisant la queue pour attraper un caddie), "vive les barbecues", "zut, j’avais rangé mes godasses anti-verglas !" Des tonnes de tonnes de variantes météo sont sous mon coude, et je ne fais JAMAIS sensation…
Des variantes, on pouvait en faire, sur tous les tons ce soir-là. Faut dire qu’entre Yasmina et Ayo, il y avait de quoi faire, vu le monde.
Vu le degré d’alcoolisation de mes voisins de derrière, vu la mission "pétage de tympans" de ma voisine de gauche, vu la qualité des rastas du type qui me bouchait la vue (je ne suis pas petite, c’est lui qui est trop grand !), vu les fourmis dans les jambes de ma voisine de droite…
Yasmina, dur dur d’être en première partie de la fille qui en est à son troisième album, que tout le monde veut voir. Mes voisins : "Tu viens m’aider à porter le semi-remorque de demi que j’ai commandé au bar", "quoooiiii ? qu’est-ce que tu dis ? (elle est au téléphone) je suis au Fiiillll ! Non, ça a pas commencé ! Je sais pas !!! bbiiizzzouuu, wouaaaahh !", "eh, mec, regarde, j’attache mes rastas en faisant des nœuds, un au dessus, un au dessous de ma couette rastatisé, ouais, tranquille, ça tiens deux jours, après, ben je refais des nœuds…", "hi hi hi, (sautille) hum hum (tape dans les mains) la la la (lève les bras)…".
Moi ? Euuhh, elle chante en français sur des airs orientaux, ça m’a fait l’effet de jeter des cailloux dans un puits.
Un petit cours de phonologie (promis, j’en n’ai pas pour longtemps), ya les consonnes frappées de la langue française : b-p-t-c (et ses copines qui font postillonner), et ça fait pas super beau sur une musique orientale liquide (l-m-n-v-z). Tout simplement, ça fait ressembler Yasmina à d’autres (en moins bien). D’où l’intérêt relatif de mes collègues auditeurs… Et puis ça la fait moyen les lalalala mmmmmm quand on n’a plus de mots…
Et puis elle se fait attendre la star du soir… Mes voisins boivent, piaillent, se retournent et me filent des coups de coude. "PARDON PARDON", (une grosse main me pousse), quoi ? Je prends toute la place avec mes deux mètres de haut (moins un demi) ? Et béh non, c’est le vigil-devant d’Ayo-deux-mètres-tout-pile-et-un-sourire-double-rangée-de-dents-grand-comme-ça), suivi de près par le vigil-derrière qui ne sourit pas du tout.
Et ça commence fort "Ayooooo, wwoouuaaahhh, mais pourquoi tu lui a pas proposé une bière ?", "aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa (tympan gauche HS)", "oh merde, ya un nœud qui se barre, atta, je vais le refaire en bougeant, regarde, trop cool, ouaaaiisss, c’est bon", "dance, dance, dance" (c’est la seule qui a deux mètres carrés autour d’elle pour danser… et chanter).
Pour ma part, je vois ses cheveux, et ses mains quand elle les lève… Je viens d’un petit pays… Mais quelle énergie dans cette voix, un genre de mayonnaise montée avec du blues rapé à la rock.
Elle commence par les titres phares de son troisième album Billy-Eve, que les pros trouvent plus rockisé, "elle se lâche" dit-on dans les sphères musicales.
Oui, mais elle a fait autre chose avant, qui penche plutôt du côté de chez Bob (La Jamaïque et les drapeaux vert-rouge-jaune-noir). Et ça fait retomber tout ce qu’elle avait si bien lancé, au plaisir de presque tout le monde (qui savaient) "Je vais ravitailler, j’ai soif", "aaaaaaaaaaaaaa (je m’en fous, je n’entends plus rien de ce côté)", "wouaaaii, ccoolll, regarde, ça tiens, hop, encore un petit nœud au cas-où", "[elle connaît tout par cœur, jusqu’au moindre cœur, au moindre écho, au moindre battement suivant…]" épatante.
Moitié moitié donc, et puis quand je pense prendre la clé des champs, parce que je pense en avoir assez vu, puisqu’elle me donne l’impression de reprendre éternellement le même petit bout de son, avec les mêmes petits bouts de phrases… J’aimais mieux la nouvelle Ayo, plus rock… Elle fait monter du public sur scène "viens, on y va", descend danser avec le public "da da da, j’ai dansé avec Ayo, pom pom pom", "aaaaaaaaaaaa (pffff)", elle va partout, danse avec tout le monde. Magique.
Applaudissements qui se changent en batterie géante pour ce "run run run" qui ne me quitte plus depuis… Sacrée Ayo, elle met l’ambiance au début, se repose entre deux, et ressort les paillettes à la fin, histoire qu’on n’ait plus envie de la quitter (à part pour le boulot le lendemain… faut bien gagner sa vie pour partir au soleil… Tiens, fait beau non ?). |