Comédie dramatique de Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Serge Lipszyc, avec Bruno Cadillon, Serge Lipszyc, Valérie Durin,
Juliane Corre, Henri Payet et Ophélie Marsaud.
"Derniers remords avant l'oubli" c'est un peu un Jules et Jim qui se serait clos par une inexpliquée rupture multilatérale et dont les protagonistes se revoient vingt ans après pour une prosaïque question pécuniaire. Vendre une maison commune, symbole de qui fut et n'est plus, et liquider le passé lui aussi resté dans l'indivision. Pour partir, ou repartir, apaisé.
Mais sans doute est-il trop tard pour exhumer les squelettes du placard. Difficile de réveiller les morts, qu'il s'agisse d'amours ou d'idéaux.
D'une langue ciselée et circulaire qui procède presque par concaténation et des dialogues qui ne sont pas des dialogues conversationnels pris sur le vif mais des dialogues très travaillés où chacun parle sans écouter vraiment l'autre, Jean-Luc Lagarce est le scribe attentif d'une valse-hésitation qui se déroule par scène, des scènes quasiment anti-théâtrales, chacune presque isolée l'une de l'autre constituant, à chaque fois, une nouvelle tentative avortée d'une vaine réconciliation et d'un deuil impossible.
A l'origine de cette dernière fois, Hélène (Valérie Durin), venue avec son mari (Henri Payet) et sa fille (Ophélie Marsaud), qui a besoin d'argent et veut vendre la maison dans laquelle est resté Paul (Serge Lipszyc) gardien du temple. Quant à Pierre (Bruno Cadillon) venu également avec sa moitié (Julianne Corre), bien que favorable au statu quo attentiste, ne s'y oppose pas.
Serge Lipszyc a opté pour une représentation dans le foyer du Théâtre du Ranelagh avec une confusion scène-salle pour laquelle les comédiens, sillonnant incessamment l'espace, officient parmi les spectateurs qui, assis comme au cabaret, sont transformés en girouettes et une mise en scène nerveuse qui impacte sur les personnages en les positionnant quasiment tous dans le registre de la fébrilité.
Cette proposition inattendue à la configuration singulière n'est pas sans susciter quelques interrogations au regard d'un texte qui immerge les personnages dans un huis-clos éprouvant aux tenants parfois hermétiques à défaut d'une écoute très attentive et truffé de silences, en l'espèce inexistants du fait des déplacements des comédiens.
Mais elle fera sans doute la joie des spectateurs qui rêvent d'immersion dans l'intrigue et de proximité avec les acteurs. |