Comédie d'après Carlo Goldoni, mise en scène de Serge Lipszyc, avec Bruno Cadillon, Gérard Chabanier, Juliane Corre, Jean-Marc Culiersi, Valérie Durin, Isabelle Gouzou, Serge Lipszyc, Lionel Muzin, Anouch Pare et Henri Payet.
Imbroglios, arlequinades et intrigues cousues de fil blanc sont au menu de "Arlequin, serviteur de deux maîtres", dernière pièce du registre commedia dell'arte écrite par Carlo Goldoni, dont Serge Lipszyc propose une adaptation époustouflante servie par des comédiens au mieux de leurs moyens dans des emplois sur mesure.
Force est de reconnaître qu'il a su garder la substantifique moelle de cette comédie farcesque et vibrionnante, inscrite de manière pérenne au répertoire de sa Compagnie du Matamore, plus de 700 représentations au compteur, tout en lui apportant un relooking bienvenu qui décoiffe, reposant sur le mélange des genres et des époques et faisant la part belle au spectacle vivant fait pour le plaisir commun et partagé des officiants et du spectateur.
Ainsi trouve-t-on, par exemple, le burlesque américain des années avec les pères à la Laurel et Hardy, un Arlequin populaire avec salopette d'ouvrier un brin fantaisiste et baskets dont l'accent des faubourgs frise celui des cités, des amoureux godiches style années 50 évoquant ceux de Peynet, des masques de cuir pour les seules figures traditionnelles de la commedia dell'arte et pour intermèdes les must de la chanson de variété italienne des années 60.
Sur un petit praticable incliné qui évoque la scène réduite du théâtre de tréteaux, les comédiens investis dans un vrai travail de troupe procèdent ainsi à une suite variations aussi inattendues que débridées qui s'enchaînent au rythme endiablé impulsé par le vibrionnant Arlequin, fanfaron pragmatique qui, se jouant du cumul des emplois, déclenche des quiproquos en chaîne tout en courant le guilledou.
Tout commence par un mariage compromis pour finir par une triple noce après une intrigue croisée bien emberlificotée par le facétieux valet : une jeune femme endosse l'identité de son frère assassiné pour retrouver son amant faussement accusé, frère qui se trouve avoir été le fiancé d'une jeune fille qui va convoler en justes noces avec l'élu de son coeur sous la bénédiction des deux pères.
Une accorte soubrette (Juliane Core), un cuisinier toqué (Serge Lipszyc) un couple de fiancés bien assortis (Isabelle Gouzou et Jean-Michel Culiersi), deux pères chatouilleux (Gérard Chabanier et Lionel Muzin), un amant éberlué (Bruno Cadillon), et une maîtresse travestie (Valérie Dupin) n'en finissent pas de jouer les poupies sous le fouet d'un Arlequin interprété magistralement par Henri Payet qui maîtrise avec brio volubilité et pantomime.
Avec une mise en scène aux petits oignons frais pleine de vivacité et d'humour et d'une précision diabolique pour que jamais le moindre grain de sable n'enraye la mécanique goldonienne, Serge Lipszyc a mitonné un délicieux salmis qui exhale fraîcheur et jovialité tout en s'avérant également une magnifique ode au théâtre et aux comédiens.
Et ceux présentement sur scène, tous excellents, méritent bien cet hommage. |