Nouveaux venus dans la niche du roman policier nordique qui tend à devenir un véritable chenil à pedigree, les danois Lotte et Soren Jakobsen voient leur premier opus, "Morte la bête", publié dans la très prisée collection "actes noirs" des Editions Actes Sud, - celle addictive, avec sa couverture noire bordée de rouge ornée d'un glauque médaillon illustratif - qui a cartonné avec la trilogie "Millenium" de Stieg Larsson.
Et alors ?
Rien de nouveau sous le soleil danois car les Jakobsen, frère et soeur, exploitent un filon prolifique - le polar qui vient du froid suscitant un engouement étonnemment pérenne car la qualité n'est pas toujours au rendez-vous - et mettent résolument leurs pas dans ceux désormais balisés de leurs prédécesseurs.
A savoir : un policier anti-héros (un quinquagénaire en surcharge pondérale, las et besogneux, qui carbure au coktail clope-café et au feeling du vieux de la vieille), un roman d'enquête menée comme dans les années 50 (sans police scientifique type "experts-CSI" qui font parler les indices ni profilers qui cernent le coupable avec pour seule concession à la technologique une caricature d'informaticien, le hacker génial mais complexé et asocial), une thématique récurrente (les ravages de la violence sexuelle, dérive des sociétés
d'Europe du Nord
longtemps présentées comme idylliques) tendant à confirmer la sentence shakespearienne énoncée dans "Hamlet"
et un syle sans aspérités.
Cela étant, les amateurs du genre retrouveront leurs marques. Toutefois, ils risquent peut-être d'être déçus dans la mesure où les auteurs ont éradiqué l'un des éléments fondamentaux du roman d'énigme, le mobile, puisque celui-ci est dévoilé dès le prologue et que le titre français, extrait d'un proverbe connu au sens univoque, en dévoile
les corollaires sociétaux qui seront abordés, le crime légitime et la justice populaire.
Mais revenons au cas d'espèce : cinq corps masculins, pendus et mutilés à la tronçonneuse, sont retrouvés dans le gymnase d'une école communale. Le caractère d'exécution ne fait aucun doute et l’inspecteur en chef de la Criminelle, Konrad Simonsen, se voit octroyer quasiment les pleins pouvoirs et un budget illimité pour trouver les coupables de manière à éradiquer toute contestation politique sur l'efficacité de la police et/ou de la justice en matière de criminalité sexuelle.
Car ces meurtres sont commis moins par vengeance que pour déclencher une mobilisation populaire afin d'appeler l'attention des médias et bousculer les pouvoirs publics quant aux inerties et carences en matière de répression de la délinquance sexuelle, et plus spécifiquement de la pédophilie.
Résultat : une enquête à l'ancienne poussive et sans suspense qui s'étire sur 400 pages et surtout une approche réductrice d'une problématique toujours irrésolue, qui plus est accouche d'une souris sécuritaire non seulement d'obédience réactionnaire ("surveiller, traquer et punir") mais rétrograde au regard des réflexions contemporaines.
Certes, ce n'est qu'un roman. Mais le premier volume d'une saga d'ores et déjà annoncée. |