Spectacle conçu par Bruno Boussagol, photographies, écriture et jeu de Véronique Boutroux.
Après les premiers émois suscités par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, qui s’est produite en 1986 à la frontière de l’Ukraine et de la Biélorussie, l’événement s’est inscrit dans l’Histoire à la fois comme une fatalité et un événement exceptionnel qui n’arrivait qu’une fois et surtout aux autres, et surtout aux pays derrière le rideau de fer.
Compte tenu de la courte mémoire historique de l’homme du 21ème siècle, qui n’excède pas sa propre durée de vie, qui, 25 ans après, jusqu’au séisme japonais du 11 mars 2011 qui a entraîné l’accident nucléaire de Fukushima, s’en souciait encore ?
Une chape de plomb pèse notamment sur "l’après" mais comme les sarcophages de béton coulés par le consortium Vinci-Bouygues sur les réacteurs, pour tenter de les dissimuler au regard et de les enfouir dans la mémoire des générations sacrifiées, comportent des fissures, il existe toujours des hommes de bonne volonté qui n’ont pas renoncé.
Depuis 1995, la Compagnie Brut de Béton, fondée et dirigée par Bruno Boussagol, qui travaille sur "la part maudite que toute démocratie produit", a inscrit dans son champ d’intervention la thématique et la problématique liées à cet accident majeur en termes de vies humaines, les victimes immédiates de la catastroph, les victimes dites secondaires décédées des suites de maladie dues à l’irradiation et le million d’hommes, surnommés "les liquidateurs" payés 4€ par jour pour opérer les travaux de décontamination, et de catastrophe écologique.
L’expédition sur place de "la diagonale de Tchernobyl" et plusieurs spectacles ("Elena ou la mémoire du futur", "Tchernobyl now", "Le sacrifice", "Zone interdite") ont concrétisé cet engagement dont "Le petit musée de la catastrophe", créé en 2007, une représentation théâtrale conçu comme une "traversée documentaire et poétique" à partir d’une visite guidée dans la pièce-musée de Krasyatichi consacrée à la catastrophe.
Une femme douloureuse, chétive, la peau diaphane, les yeux d’eau pâle, parfois égaré et cependant intense quand elle capte votre regard, guide le spectateur-visiteur dans un petit musée dérisoire au regard des normes de la muséographie : quelques pauvres objets dérisoires et des photos en noir et blanc de mauvaise qualité, point d’esthétisme de photojournaliste.
Elle commente à sa manière, non pas celle d’un guide patenté portant le discours officiel, mais celle d’une femme qui a vécu dans le petit village de Pripiat, situé à quelques kilomètres de Tchernobyl, ville modèle conçue pour l’hébergement des employés de la centrale devenue ville fantôme, et qui vit encore à proximité dans le village de Krasyatichi dans un monde de désolation abandonné de tous, même des autorités locales, un monde pétrifié dans lequel errent encore quelques figures humaines, mais où le ciel est bleu, où chantent encore les oiseaux et dans lequel les enfants dessinent leur village surmonté d’un arc-en-ciel. Car dit-elle "ici nous vivons comme partout ailleurs".
Oui mais l’histoire de Vassia, Serguei, Sacha, Natalia, et les données chiffrées sont terrifiantes : 160 000 km² contaminés, 35 centimes d’euros par mois pour acheter de la nourriture "propre", 2 000 ans pour que baisse de moitié la radioactivité, Kiev, située à 110 km de la centrale, déclassée en termes de dangerosité parce que l’évacuation de plusieurs millions de personnes n’était pas envisageable. Et puis, pied de nez du destin à moins que ce ne soit une anticipation visionnaire, ce sont des sociétés japonaises qui depuis deux ans interviennent sur place pour des essais de décontamination du sol par des cultures de colza.
L’officiante, bouleversante, est la comédienne Véronique Boutroux qui est l’auteur des photos et raconte la vie des vrais gens qu’elle a rencontrés.
Une réflexion à mener alors que le président de la Commission européenne a annoncé le 18 avril un engagement supplémentaire de 110 millions d'euros pour le financement de projets de réhabilitation du site de Tchernobyl et que le bien nommé ministère ukrainien des situations d’urgence a ouvert la zone interdite, la centrale et une périphérie de 30km, au tourisme. |