Le monde est divisé en deux catégories : les potineurs et les potinés. Je m’explique. Les potineurs sont des gens fades et sans intérêt qui passent de longues journées à inventer des potins sur des gens qu’ils ne connaissent pas : les potinés. Bienvenue dans le monde. Cruel. Je suis potinée. La rumeur la plus folle courant à mon sujet : je suis enceinte. Très drôle.
Tout ça parce qu’ils ne savent pas où j’ai passé mon vendredi soir, franchement, suffisait de demander, j’étais là-bas, de l’autre côté du miroir. Un petit concert pour bien commencer le week-end d’une semaine pourrie. Ils avaient sorti les fauteuils au Fil, et le jus d’abricot bien sûr, vu mon état…
En première partie, Sarahpsody est une petite brune toute seule, avec une boite magique qui fait les choeurs, la batterie, les échos, un bon vieux lecteur K7 qui fait auto-reverse à mon avis. Elle s’occupe de sa guitare, de son piano, et boit une gorgée de vodka entre chaque morceau (est-ce bien raisonnable ? Parce que franchement ma chère, planquer de la Vodka dans une bouteille de Volvic, c’est pousser le vice un peu loin, non ma chère, ce n’était pas de la Volvic, que je vous dis moi, et je m’y connais, je passe mes journées à inventer des conneries).
Bref, Sarahpsody a l’accent d’un coin de l’Auvergne (ouch, near la capitoule du Rock ?), elle chante pour les filles les petits problèmes du quotidien, le pôle emploi, son n’amoureux, l’accident qu’elle a failli avoir en rentrant de teuf (complètement esquinté la nana ma chère ! Si si !).
N’ayons pas peur des mots, sur le coup, j’ai beaucoup aimé, mais après coup, sa voix manque de profondeur, elle devrait éviter de forcer les aigus, c’est pas extatique, ses textes tournent un peu en boucle, pas vraiment de mots, mais une musique sympa, qui mérite une autre poésie. Enfin, je dis ça ma chère, je dis rien moi, mais quand même…
Et puis Selah Sue. Je n’aurai pas rêvé mieux pour ma centième chronique. Pourvu que je sois convaincante, sans avoir l’air d’y avoir placé des actions. Allez, je me lance.
C’est un tout petit bout de femme "j’aime ta choucroute" dit mon voisin imbibé (je ne peux pas me le permettre, je me contente d’humer la bière…). Oui, parce que son style, sa personnalité transpire dès les premières secondes, dès sa tenue : une combi noire informe avec un bout de tissu en trop, genre écharpe, mais pas trop, des cheveux blond-angélique métamorphosés en paille-racines-cassantes (mais oui ma chère, un bon coup de doigts dans la prise que je te dis moi, et je m’y connais, figure toi que l’autre jour… bla bla bla…) et des yeux bleus transparents. Une jolie midinette sans en avoir l’air quoi.
Les premiers morceaux pour se mettre dans l’ambiance, deux-trois petits airs doux comme la brisounette sur la plage (ah bon ? Mais elle est Flamande, tu sais, ces mangeurs de frites qui n’ont pas de gouvernement, une honte que je te dis ma chère, c’est honteux, et ça laisse ses artistes s’exporter n’importe où, mais il paraît qu’elle a une place à la plage la gamine, que je te dis moi ! si si !, non mais elle est trop jeune… bla bla bla…), je ne m’attendais pas à ça, et j’avais raison. Surtout vu l’attirail de "musique qui déchire" qui se trouvait sur la scène.
Et ses comparses arrivent, ou bien ils étaient discrets ? Ils font deux fois la hauteur de Selah Sue, mais elle a trois fois plus de charisme.
Et c’est parti pour une bonne heure de musique non-stop, une douche de son univers, elle prend de tout et en fait ce qu’elle veut, mélange les styles, y applique sa voix, son rythme, va du soprano au rap en passant pas un bout reggae-ragga et un autre soul. Idem pour sa musique, sans prétendre avoir tout distingué, je me contenterai de vous dire qu’elle prend un peu de tout soul-reggae-rap-rock et d’autres, elle les module à sa sauce et en fait quelque chose d’unique, je propose d’appeler ce joyeux melting pot "Selah Sue".
Idem pour le spectacle, elle se lance dans tous les coins, s’approche pour chanter aux extrémités de la scène, anti-statique jusqu’au bout des orteils la minette. Et ses comparses ne sont pas en reste, ils s’agitent dans tous les sens aussi, normal, la "Selah Sue" est une musique contagieuse.
A mon avis, ma chère, Selah Sue est la fille cachée de Che Guevara dont elle a hérité de la verve, le soleil d’Amérique du Sud, la passion qu’elle communique quand elle chante, d’Andy Warhol pour les couleurs qu’elle met dans sa musique, l’esprit de visionnaire dont elle est dotée, de Sophia Loren pour la féminité, la beauté et la classe naturelle de ce petit électron chargé à bloc, et de Cléopâtre parce qu’elle a conquis tout le monde, et elle a le même nez. Si si ma chère. Unique. A voir absolument. J’oserai même dire : vous n’y étiez pas ? Vous avez assurément raté quelque chose. |