A exposition sur un imprimeur novateur en matière d'édition et de graphisme il fallait une publication qui sorte des sentiers battus.
C'est chose faite pour l'ouvrage qui accompagne l'exposition consacrée à "Geoffroy Tory - Imprimeur de François 1er - Graphiste avant la lettre" qui se tient au Musée National de la Renaissance sis au Château d'Ecouen.
Couverture brochée avec jaquette américaine comportant notamment la reproduction de plusieurs alphabets, papier non calandré au lourd grammage, intégration dans le corps des textes des oeuvres présentées qui ne sont pas reléguées dans une section "catalogue" et format 17x25 inhabituel font de ce catalogue un bel objet.
Par ailleurs, il y a lieu de saluer le travail effectué par l'équipe des Editions de la Réunion des Musées Nationaux dirigée par Henri Bovet, dont Laurence Posselle qui a assuré la coordination éditoriale, Valérie Gautier la direction artistique et Frédéric Célestin la mise en page, pour sa conception graphique qui s'inscrit parfaitement en résonance avec le sujet.
Ainsi pages intercalaires avec une lettrine, mise en page variée et dynamique (chaque page est différente), reproductions clairement légendées et une vraie recherche typo-esthétique rendent particulièrement attractive la lecture d'un ouvrage érudit sur un sujet pointu.
Rédigé par les commissaires de l'exposition, Magali Vène et Fabienne Le Bars, conservatrices à la Réserve des livres rares de la BnF, Stéphanie Deprouw, conservatrice au Musée National de la Renaissance et Olivier Halévy, maître de conférences à l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris III, l'ouvrage, qui s'adresse tant aux néophytes qu'aux professionnels.
Ecrit dans un style clair et précis, il revêt, de par sa structure narrative, alignée sur le parcours chronologique de la monstration, la coloration d'un roman d'aventures.
Cela commence par l'itinéraire du l'universitaire citoyen de Bourges qui est passé par l'Italie avant de se reconvertir en s'installant comme libraire à Paris et ses rencontres fondatrices et finit par la consécration avec le titre d'imprimeur du Roy
A Paris, Geoffroy Tory ouvre rue Saint Jacques la librairie
"A l'enseigne du pot cassé" où, pragmatique, il développe, à l'appui de ses convictions et engagements, son ambition étant de renouveler le livre imprimé français en s'inspirant des modèles italiens qu'il admire, une stratégie commerciale digne des "business plans" contemporains.
A savoir, en premier lieu,
saisir le mouvement de promotion et d'unification de la langue française, encore dialectale et imprécise, en remplacement du latin appauvri et inadapté, encouragé par le roi François 1er et, sans héritage professionnel ni fortune personnelle, trouver des sponsors chez les puissants, la consécration venant avec le titre d'imprimeur du Roy, privilège obtenu par son engagement à publier des traductions originales en français.
Et innover aussi bien dans la graphie avec l'écriture par l'image et l'exploration des alphabets qu'en esquissant de nouvelles disciplines telles que la grammaire, l'histoire littéraire et la lexicologie qui feront l'objet de son grand oeuvre l'ouvrage "Champ Fleury. Art et science de la due et vraie proportion des lettres antiques".
Ensuite, se démarquer dans un métier
presque saturé d'imprimeurs-libraires humanistes et mettre tous les atouts de son côté en bouleversant les habitudes comme publier les classiques à la moderne et les modernes à la classique.
Ainsi il introduit l'esthétique antique
en optant le créneau du livre d'heures au style figé avec ses lettres bâtardes et ses illustrations gothiques. Son aventure éditoriale commence par la publication des Heures de 1525 en caractères romains avec des gravures à la vénitienne qui constitue un bréviaire de la modernité.
Celle-ci résulte d'innovations graphiques résultant non seulement de ses qualités de concepteur - il fait figure de directeur artistique - et de fédérateur de talents - en combinant les compétences de différents corps de métiers et d'artistes - mais de son esprit syncrétique pour combiner différents éléments de la culture visuelle de son temps.
Enfin, tabler sur l'amélioration de la qualité même en matière de reliure à décor dorée avec l'utilisation de plaques spécifiques qui en abaisse le coût tout en accélérant la production pour faire face à la concurrence.
Et tout cela est raconté à partir des pièces de l'exposition. |