Comédie dramatique de Hervé Le Tellier, mise en scène de Frédéric Cherboeuf, avec Isabelle Cagnat et Etienne Coquereau.
En entrant dans la salle, on aurait presque l’impression de déranger : un homme en tenue d’Adam est dans sa baignoire. On entend alors la même question répétée inlassablement par une voix féminine : "A quoi tu penses ?"
L’homme n’en finit pas de répondre et d’aligner, à la façon de Georges Perec, des pensées tantôt drôles, tantôt graves, parfois déjà entendues mais toujours dites de façon légère et décalée.
La femme est maintenant sortie de sa cachette (c’est une cachette, on ne peut pas la dévoiler) et le questionne encore et toujours, en continuant ses occupations quotidiennes. Apparaît alors en filigrane la radiographie d’un couple et ses vicissitudes. On évoque aussi, entre mensonges amusés et sincérité touchante, le vieillissement d’un homme.
Etre au plus près de l’intimité conjugale, c’est ce qu’a voulu sans doute le metteur en scène Frédéric Cherboeuf, en adaptant avec le comédien Etienne Coquereau, ce texte d’Hervé Le Tellier pour le théâtre.
Certes, on peut trouver que cela a déjà été fait et que c’est parfois à la limite du voyeurisme, il n’empêche que le spectacle possède un indicible charme que les deux interprètes, Isabelle Cagnat et surtout Etienne Coquereau très expressif, distillent au cours de cette séance de salle de bain insolite et rafraîchissante (surtout pour la mémoire). La mise en scène vive et imaginative évite que le procédé répétitif de l’énumération ne ralentisse trop le rythme.
Ponctué de chansons marquantes sur l’amour d’Alain Souchon, Julien Clerc ou Alain Bashung, "Les amnésiques n’ont rien vécu d’inoubliable", en égrenant instants fugaces et réflexions métaphysiques, installe doucement sa petite musique tendre et nostalgique. La scène de shampoing (sur "Bijou, bijou" de Bashung) est un moment particulièrement émouvant du spectacle, qui résume à lui seul la relation des deux personnages et donne un éclairage particulièrement sensible à l’ensemble. |