On peut considérer que deux formations se détachent avec bonheur du lot commun des plus excellentes formations françaises : Microfilm et Rien. Toutes deux officient dans le rayon de quelque chose comme le post-rock (Rien se proclame orchestre d'après-rock pour sa part, ce qui me convient assez, avec ce petit-arrière goût d'avant-garde surannée). Deux formations bien trop rares en concert et dont les disques, particulièrement écrits, travaillés, inventifs, arrangés, produits, peuvent éveiller une légitime curiosité.
Ce samedi 30 avril, Rien, malgré l'exiguïté de la Malterie de Lille, sold out et moite de monde, a su balayer d'un revers de main l'ombre d'un doute qui pouvait planer sur sa capacité à transposer sur scène ses compositions. A la fois riche, complexe et immédiatement accessible, voire viscérale tant elle sait être directe, la musique du quintet est un rêve de post-rocker, tout simplement. Et elle fonctionne aussi bien en live que dans le confort asocial de son chez soi.
Il faut reconnaître que la présence de deux sets de batterie sur scène apporte énormément de force à l'ensemble, quand la basse, centrale dans l'espace scénique comme dans les compositions elles-mêmes, ouvre une troisième dimension délicieuse que la plupart des systèmes de sonorisation personnels auront du mal à laisser entrevoir. Ce devrait être un truisme d'arpenteur de salles de concert, ce n'est malheureusement pas tous les jours que l'on a la chance de pouvoir sentir, au sens le plus physique du terme, une réelle valeur ajoutée musicale (on dit bien : musicale) à une prestation live.
On regrettera peut-être de n'avoir retrouvé ce soir-là que le meilleur des deux derniers disques, et rien du premier Rien, le remarquable Requiem pour des Baroqueux (2003).
Mais l'on se consolera vite en se souvenant de ces sommets musicaux que furent "Masterkraft", "Dieu du Seigneur" ou "This is Our Grunge". Un petit téléchargement valant mieux qu'une longue description autosatisfaite, on rappellera également à ceux qui auraient eu le mauvais goût de passer jusqu'à présent à côté de la formation qu'ils peuvent en télécharger le plus légalement du monde les productions sur le site de l'Amicale Underground.
En première partie, Scathodick Surfers, power trio local, s'est révélé bien meilleur que ce que son nom catastrophique laissait suggérer, en proposant un psyché/surf rock tout à fait centré sur la guitare, quelque part du côté de la B.O de la reprise d'un film de Sergio Leone que Quentin Tarantino ne s'est pas encore offerte.
Bien sûr, il faudra avoir l'estomac bien accroché, tolérer les compositions à tiroir et le shredding le plus intempestif, ne pas s'agacer d'avoir toujours l'impression d'avoir déjà entendu ce plan-là (ne serait-ce que dans la composition précédente). Mais la formation déploie une belle énergie et, il faut l'admettre, un sacré jeu de guitare.
Avec un rien plus de variété, et moins de fascination peut-être pour la technicité à la six-cordes, ou avec un set plus court, la formation aurait réussi, c'est certain, à ne lasser personne et l'on aurait gardé de sa prestation une bien meilleure impression, comme semblent l'avoir fait ceux qui, dans le public, se sont montrés enthousiastes jusqu'au changement de plateau règlementaire. |