J'aime commencer une chronique sur un aveu d'échec. Et ainsi il ne me semble pas avoir grand chose de très intéressant à dire sur Kurt Vile. En faisant un effort, je suis sûr que je pourrais relier cet album avec la saison 2008-2009 des Penguins de Pittsburgh, si mon cerveau ne se situait pas dans un état de délabrement intellectuel propre aux révisions en prévision des partiels. Les noms de Richard Smith, Claes Oldenburg, Cy Towmbly ou Tom Wesselman se bousculent dans ma tête et c'est un peu comme si mon univers entier ne dépendait plus que de la vision de Jasper Johns sur les rapports entre signifiant et signifié, représentation / figuration et imitation. Mes perspectives sont très limitées.
Et Kurt Vile n'a rien à voir avec tout ça. Selon toute probabilité, la mystique de Pierre Soulages lui est même complètement étrangère et il parvient à vivre très bien comme cela (comme, j'imagine, la grande majorité de la population). Kurt Vile est musicien et ces mecs se foutent, en règle générale, de savoir si oui ou non l'influence de Richard Hamilton se fait sentir chez James Rosenquist au début de sa carrière. Et c'est finalement mieux ainsi puisque les musiciens souhaitant faire référence aux grands artistes contemporains craignent de manière quasiment généralisée.
Kurt Vile semble plus préoccupé par l'idée de faire un album qui corresponde parfaitement à une certaine idée d'un road trip lysergique ensoleillé. Et si tel est le but, Smoke Ring From My Halo est une réussite totale. D'une simplicité et d'une évidence ahurissante. Toutes les chansons semblent familières dès la première écoute (particulièrement en ce qui concerne "Society Is My Friend" ou "Peeping Tomboy") et c'est un peu comme découvrir que Mac Gyver est toujours vivant : cela laisse légèrement désorienté.
Lister les influences d'un artiste n'apporte jamais rien à une chronique à mon sens. Bien sûr, il s'agit généralement du moment préféré du critique qui y trouve alors l'occasion idéale pour exhiber sa culture comme un pervers exhiberait ses parties génitales et placer toute une suite de noms ayant finalement autant de rapport avec l'artiste en question qu'un match de basket avec la chasse à coure (tout dépend cependant de si les Lakers jouent, dans ce cas les règles sont différentes).
Ainsi vous ne lirez pas ici que Kurt Vile évoque par moment Neil Young, Bob Seger ou Tom Petty. Tout d'abord parce que c'est faux mais aussi parce que tout ce que vous avez besoin de savoir sur cet album est qu'il est beau, calme, presque lyrique par moment et extrêmement bien adapté à l'été (la chaleur poussant les êtres humains à se terrer et à être aussi actifs qu'un cactus). On peut également ajouter que les morceaux d'ouverture et de fermeture du disque (respectivement "Baby's Arm" et "Ghost Town") sont de grandes chansons faisant semblant de ne pas en être.
Ainsi dans l'esprit, Smoke Ring From My Halo rappelle un peu le chef-d'œuvre oublié de Lou Reed, Coney Island Baby. Sauf que Smoke Ring From My Halo ne sonne pas du tout comme Coney Island Baby (et si vous parvenez à comprendre cela, vous parviendrez sans trop de problèmes à comprendre la logique de ce disque et du même coup une partie de celle de l'univers). |