Rencontré rapidement une première fois il y a deux ans à l'occasion d'une froggy's session suivie d'un très bon concert au Sunset, nous revoilà avec quelques nouvelles de Declan de Barra, irlandais aux allures de gros ours, dont le nouvel album arrive enfin.
Fragments, footprints and the Forgotten reprend les choses là où nous les avions laissées. C'est-à-dire quelque part entre folklore irlandais et americana, servis par un songwriting sombre, plein d'histoire d'amour et de mort.
Ce qui a évolué, en revanche, c'est l'utilisation de sa voix. De Barra la maîtrise désormais parfaitement et en fait bon usage, allant aisément du grave à l'aigu sans que cela confère à l'exercice de style. Cela permet une grande variété dans l'interprétation des morceaux offrant des ambiances parfaitement adaptées à chacun.
"Breadcrumb trail" a capella est impressionnant de maîtrise. Tout aussi impressionnant, "You will overcome" est également quasiment a capella si ce n'est l'usage d'un instrument traditionnel à soufflet dont le son est entre la vielle et la cornemuse. Vu comme ça, c'est peu ragoûtant, mais c'est très beau et prenant.
On est presque surpris lorsque démarre "Fuck the begrudgers" et ses airs de rock garage. Guitare frénétique et chant galopant. Exception rock assez réussie d'ailleurs au milieu de ces noires ballades.
Et au rang des ballades tristes, Declan de Barra se pose là en concluant son album par une périlleuse reprise d'un chant traditionnel irlandais "The wind that check the barleys" dont la référence pour moi demeure la version de Dead Can Dance. Et bien celle-ci n'a pas à souffrir de la comparaison, tant elle est sobre et impeccablement exécutée.
Bien évidemment, à l'écoute de "Watch it burn" ou l'introduction de "Midnight swell" impossible de ne pas penser à Nick Cave. Même type de voix, même noirceur, même sobriété derrière laquelle on devine une certaine extravagance. Sur d'autres titres, où la scansion se fait déclamation, on pensera aussi à Johnny Cash ("Sunrise").
Mais au-delà de ces références (mais pas forcément ses références), on ne manquera pas d'être surpris par les multiples facettes du travail de l'irlandais ici déployées, tant concernant ses performances vocales (des murmures de "A city somewhere" aux cris de "Fuck the begrudgers") que les mélodies et arrangements, comme sur le surprenant "Midnight swell" par exemple.
Fragments, footprints and the Forgotten impose de Barra comme un songwriter qui compte et devrait changer à l'écoute votre rapport avec la folk irlandaise. Aussi dark et onctueux que leur bière nationale pour peu que l'on s'y fasse. |