Comédie de Molière, mise en scène de mise en scène de
Nicolas Liautard, avec Eric Berger, Jean-Yves Broustail, Anne Cantineau, Sterenn Guirriec, Sava Lolov, Matila Malliarakis, Jean-Christophe Quenon, Marion Suzanne et Pierre-Benoist Varoclier.
Hugo kitsch, Marivaux mambo, Molière rock'n roll, Shakespeare Gay Pride, l'heure de la revisitation temporelle des oeuvres du répertoire pour les "dépoussiérer" de leur péjorative réputation de "matinées classiques" n'en finit pas de sonner. Dans ce contexte, Nicolas Liautard monte "Le misanthrope" de Molière. Alors à quelle sauce ?
Il n'y en a pas vraiment même si quelques notes introductives, un air de comédie musicale américaine sur 78 tours crachotant, pourraient laisser accroire à une immersion dans les années Gatsby. Car le plat est servi nature dans des costumes contemporains, sur une scène nue, sans décor, sans accessoire, uniquement le pré-carré scénique matérialisé par de mordorées dalles métallisées et des lustres à pampilles.
Nicolas Liautard évoque pour ligne directrice "donner entendre Molière simplement".Donc rien que le texte et les personnages ? Des personnages qui sont manifestement passés à la moulinette du parti pris de la caricature auquel seul le personnage de la belle figure de Eliante (Anne Cantineau) semble avoir échappé.
Le personnage titre, Alceste (Sava Lolov), imberbe blond débraillé à la Gainsbourg, pieds nus dans des pseudo Repetto blanches, est un caractériel qui traîne un désenchantement non pas décomplexé mais bourru avec des accès de fureur clownesque à la Raymond Devos.
Face à l'ami Dorante (Eric Berger) en complet trois pièces étriqué atteint de "rigolite" aigue, l'atrabilaire amoureux contemporain arbore, sans doute pour mieux affronter le monde, la fière attitude ibérique, reins cambrés et main derrière le dos, à l'envie "desplante" du toréador ou posture du danseur de flamenco. La première scène, s'achevant au demeurant par une série de claquements de talons, à laquelle il ne manque que les castagnettes, donne le ton de ce qui suivra : de formidables numéros d'acteurs. Des acteurs qui, pour la plupart, ont transité par le CNSAD.
Le quatuor de courtisans est "habillé pour l'hiver", ridicule mielleux avec le rimailleur ampoulé (Jean-Christophe Quenon), une Arsinoé (Marion Suzanne) à la scansion suffocatoire digne de Line Renaud, un jeune marquis dilettante et aviné (Pierre-Benoist Varoclier) et un second interprété par Matila Malliarakis, gabarit d'enfant malingre et voix de fausset, qui joue admirablement l'idiot, arbore une mine d'ahuri avec une langue pendante,
Et Célimène ? En déshabillé de jour arachnéen, bouche rouge immense à la Fanny Ardant, composant un clubbing cocktail Marylin-Lolita-Paris Hilton, Sterenn Guirriec, actuellement en deuxième année au CNSAD, et sur laquelle le directeur devin, Daniel Mesquich, fonde de grands espoirs y voyant une nouvelle Jeanne Moreau, usant et abusant de son port de bras gracieux mais terriblement affecté, campe la belle coquette médisante dans toute sa splendeur de minauderie et de blonditude.
Quant au texte, il se perd, ou est perdu en route, noyé sous les effets. Mais peu importe puisque l'issue de l'idylle de l'égotique et de l'arroseuse arrosée est connue. Reste la performance d'acteur et puis les goûts et les couleurs... |