Le Musée National du Moyen Age consacre un exposition à l'épée, considérée comme un des objets les plus représentatifs du Moyen Age tant dans l'inconscient collectif que dans l'Histoire et l'histoire de l'Art, intitulée "L'épée - Usages, mythes et symboles au Moyen Age".
Cette exposition conçue par Michel Huynh, conservateur au Musée de Cluny, avec la participation de Fabrice Cognot et Pauline Duclos-Grenet, doctorants en histoire de l'art et Laetitia Zouita conservateur stagiaire du patrimoine, est une très belle réussite compte tenu de la spécificité de la monstration qu'il a su rendre attractive et passionnante.
Implantée dans le beau volume du Frigidarium, elle bénéficie d'une superbe scénographie bichromatique, noir/orange, réalisée par l'architecte Jean-Julien Simonot qui a conçu des cimaises originales qui accueillent une judicieuse variété de vitrines géométriques.
Par ailleurs, elle se développe de manière thématique autour d'un module central qui recèle les pièces majeures de l'exposition encadrant Joyeuse, l'emblématique épée de Charlemagne, et épées, manuscrits, peintures et objets décoratifs sont présentés en tableaux thématique sans parcours impératif qui offre ainsi au visiteur une libre déambulation circulaire.
Réel, imaginaire et symbolique de l'épée au Moyen Age
Cette exposition est née d'un constat archéologique - un invariant présent dans toutes les sociétés maîtrisant la métallurgie - et du paradoxe entre une arme à la grande simplicité formelle et aux usages réels limités et l'infini de son champ symbolique qui en fait, selon les termes de Michel Huynh, "un objet polyvalent et polysémique".
Ce dernier a donc exploré, et illustré par une sélection d'objets emblématiques, le champ de pénétration de cet objet indispensable et répandu dans toute l'Europe médiévale.
Le pivot de l'exposition est constitué par la réunion d'épées prestigieuses qui ont traversé les siècles, dont certaines ont fait l'objet d'un prêt exceptionnel, sans perdre de leur pouvoir fantasmatique qui existe encore dans l'imaginaire collectif.
Elles se dressent dans leur majesté tant guerrière qu'esthétique et symbolique menées par "Joyeuse", l'épée de Charlemagne devenue l'épée du sacre des rois de France.
A l'appel, l'épée de Jeanne d'Arc, de Jean sans peur, "Durandal" l'épée de Roland, l'épée du Cid et celle du roi Frédéric III et des épées de saints notamment celles de saint Georges et celle de saints Côme et Damien.
Se déploient plusieurs vitrines thématiques relatives à la fabrication et à l'évolution formelle de l'épée en tant qu'arme de combat, avec un tour d'horizon européen, dans lesquelles sont également présentées des objets participant de cet registre tels une tapisserie flamande sur l'art de forger ou des manuels de combat, et à ses différents usages.
Arme de combat elle était destinée à tuer en un assaut bref contrairement aux duels interminables que véhiculent les films péplum Moyen Age tel celui de Robert Fleisher "Les vikings". Adaptée pour la chasse, sa lame est assortie d'ardillons. L'épée, arme du saint comme du bourreau, est également un instrument
représentatif d'un ordre moral, juridique et religieux, chargé notamment de fonctions régaliennes comme la justice.
L'exposition évoque également le Moyen Age des légendes relayées par la littérature avec les chevaliers de la Table Ronde et la légende du roi Arthur et son épée Excalibur qui continue d'inspirer le 21ème siècle comme le montrent des extraits de la série télévisée "Kamelott" avec une scène d'adoubement vue à travers la fantasy humoristique.
Car l'épée est également l'emblème essentiel du chevalier
("Chevalier sans épée n'est que femme sans quenouille" est-il écrit dans le roman de Perceforest), la grande figure médiévale dont les quatre vertus
idéales que sont la sagesse, le courage, la force et la justice sont symbolisées dans les quatre parties constituant l'épée.
Au gré de la visite, il y a des pièces à ne pas manquer pour leur unicité comme l'épée d'un connétable avec son fourreau et l'épée de femme retrouvée dans une tombe scandinave du 11ème siècle ou leur curiosité comme les épées d'enfant originaires d'Europe de l'Ouest accompagnées avec humour d'un chevalier Playmobil et le roman du espagnol racontant les mésaventures d'un héros castillan qui survit à son dépeçage ("Histoire du chevalier Zifar" de Juan de Carrion) mis en résonance avec le film Sacré Graal des Monthy Python.
Une exposition passionnante et superbement pensée pour intéresser tant les historiens d'art que le grand public. |