Comédie biblique écrite et mise en scène de Jean-François Sivadier, avec ec Nicolas Bouchaud, Stephen Butel, Marie Cariès, Charlotte Clamens, Vincent Guédon, Eric Guérin, Christophe Ratandra, Nadia Vonderheyden et Rachid Zanouda.
Titre inspiré d'une phrase biblique connue des lecteurs assidus du Nouveau Testament (pour les néophytes, exhortation christique adressée à Marie-Madeleine le matin de la résurrection), cadre historique de la Judée sous tutelle de l'Empire romain et intrigue largement inspirée de l'histoire de Salomé qui a obtenu la tête du prophète Jean-Baptiste en échange de sa fameuse danse des sept voiles.
Voilà pour "Noli me tangere", qui entraîne donc le spectateur à Jérusalem - où tout est pourri dans le royaume de Galilée - au sein du palais du tétrarque Hérode Antipas, qui a épousé la veuve de son frère Hérode, Hérodiade, la mère de Salomé, qui doit faire face à la montée du péril religieux véhiculé par les prophètes juifs et à la visite d'inspection inopinée de l'émissaire romain Ponce Pilate.
Même si son auteur et metteur en scène Jean-François Sivadier indique qu'il s'agit d'une "suite de variations oniriques sur le thème de la confrontation du tyran et du Dieu, sur la rencontre historique, dans le climat de tension qui précède toute révolution, de deux hommes tous les deux autoproclamés sauveurs du monde, le Christ et l’empereur Tibère", le propos politico-dramatique lié à l'acte de Salomé, avatar féminin de Hamlet faisant d'une pierre à deux coups avec une vengeance personnelle à ricochet politique, est dilué dans une comédie parodique, aux allures de péplum anachronique, délibérément écrite pour les acteurs.
Prendre ainsi ce spectacle-fleuve, près de trois heures, qui n'aurait pâti ni d'élagage ni de resserrement, permet, en s'en tenant au plaisir premier du théâtre comme divertissement dans sa double acception, de parer au sentiment de longueur et au goût de salmigondis qu'implique le mélange des genres et des registres dû sans doute à l'aspiration au baroque kaléidoscope shakespearien et, plus concrètement, au processus d'écriture à plusieurs mains, n'étant l'unicité de signature, avec le souci d'équilibrer les rôles pour des acteurs-amis.
D'autant que la distribution est de qualité avec notamment un quartet de comédiens excellents qui, bien que chacun unique, présentent la même particularité qui tient à une certaine "intangibilité" de couleur de jeu et à une scansion atypique.
A savoir : Nicolas Bouchaud, en tête, ébouriffant dans le rôle de Ponce Pilate, qui avec son aisance à décrocher en vrille se taille la part du lion, Charlotte Clamens, désopilante de loufoquerie dans le rôle d'une reine mère triviale sans états d'âme, Marie Cariès, au tragique essentiel n'était sa suffocation sous le déluge de sable final signifiant la chute du royaume, et Stephen Butel à la scansion rappelant celle de Michel Fau en Hérode compulsif.
Cela étant, la plus belle fille du monde ne pouvant donner que ce qu'elle a, la maîtrise de leur art ne parvient pas toujours, sur la durée, à compenser les essoufflements de la partition.
Les autres officiants de cette joyeuse bamboche théâtrale, Nadia Vonderheyden en ange dépressif qui aspire à la condition humaine, Vincent Guédon en amoureux transi, Rachid Zanouda en mystique, Eric Guérin et Christophe Ratandra, participent efficacement à la choralité qui est le maître d'oeuvre de ce spectacle.
|