À peine fini, selon une tradition désormais bien établie, le Festival de Cannes s’installe à Paris. Si, pour les sections "La Semaine de la Critique" et "Un Certain Regard", il faudra se reporter mercredi à son programme favori pour savoir quelles salles privées reprendront ses manifestations, c’est au Forum des Images, en plein cœur du Forum des Halles, qu’il faudra se rendre à partir du 24 mai 2011 pour déguster l’essentiel de la "Quinzaine des Réalisateurs".
Déguster est le mot juste pour cette vingtaine de films.
Quel régal pour les cinéphiles ! Surtout pour ceux qui ont joué le jeu et n’ont pas lu les comptes-rendus cannois sur ces vrais faux-chefs d’oeuvre, ces films qu’ils risquent d’être les seuls à voir puisqu’ils seront la plupart très vite abandonnés dans des chenils pour pellicules à hurler à la mort cinématographique pour apitoyer en vain des petits distributeurs compatissants.
Ils auront aussi l’occasion de découvrir quelques perles qui, ayant eu la chance d’être distribuées confidentiellement, devront se contenter au cours des années à venir d’une presse expéditive mais, heureusement pour elles, seront traitées avec tous les égards qu’elles méritent par le présent signataire dans le présent site.
Et puis, ils pourront s’amuser de la petite comédie des séances et des préséances. Ainsi, cette année, un habitué malchanceux du Palmarès, chouchou permanent de la critique française qui salue chacun de ses films comme une réussite supérieure à sa réussite supérieure antérieure, a enfin quitté la sélection officielle pour tenter de gagner une médaille en chocolat à la Quinzaine.
Tous ceux qui auront ronflé devant ses soporifiques grands films inoubliables auront bien entendu reconnu André Téchiné. Ils devraient se ruer au Forum pour découvrir ses "Impardonnables" dont le résumé du synopsis en fera saliver plus d’un : "Francis débarque à Venise pour écrire au calme son prochain roman. Il cherche à louer un petit appartement. Il rencontre Judith, un agent immobilier, dont il tombe immédiatement amoureux. Judith insiste pour qu'il visite une maison isolée dans l'île de Sant' Erasmo. Francis lui propose comme on se jette à l'eau "si on habite ici tous les deux... je signe tout de suite..." Ils s'embarquent alors dans une vie de couple. Tout à son euphorie, Francis ne songe plus à écrire. Mais son bonheur est-il si sûr ? Pendant qu'il ne travaille pas, que fait Judith de ses journées ? Francis embauche Jérémie, un jeune délinquant récemment sorti de prison pour la suivre. Que va révéler cette filature "”
Pour couronner le tout, ajoutons que Francis, c’est André Dussollier et Judith, Carole Bouquet... Que du bonheur cinématographique en perspective !
Un petit bémol dans cette euphorie : cette année, pas de films israéliens, coréens, iraniens ni argentins pour conforter les préjugés favorables sur ces cinématographies si palpitantes.
Non, cette année la Quinzaine est en pleine belgitude : avec "Les Géants" de Bouli Lanners, un film sur l’adolescence qui, sur le papier, rappelle un peu les beaux films bordelais de Thomas Bardinet ; avec "Blue Bird" de Gust Van den Berghe et "La Fée" du trio Fiona Gordon, Dominique Abel et Bruno Romy.
Du côté français, ceux qui ont aimé son "Capitaine Achab" devraient oser visionner "Jeanne captive" de Philippe Ramos et ceux qui connaissent les performances multimédias de Valérie Mréjen venir découvrir "En ville", le film qu’elle coréalise avec Bertrand Schefer.
L’avantage de la Quinzaine, et particulièrement cette année si on excepte la présence de Téchiné, est de faire la part belle à des réalisateurs encore frais qui n’ont pas une réputation trop affirmée et qui, dès lors, n’ont pas besoin de la cultiver avec des films faussement audacieux et vraiment conformistes comme leurs aînés de la Sélection Officielle.
Comme on l’évoquait tout à l’heure en s’en moquant gentiment, il n’y a donc ici qu’une certitude : que tout est incertitude. À la Quinzaine, on verra souvent le pire dans le mince espoir de découvrir au moins un vrai cinéaste.
Mais, après tout, aimer le cinéma, c’est être un chercheur d’or qui sait que les pépites sont plus rares que les cailloux...
Que les audacieux se dirigent avec leurs tamis critiques vers le Forum. Bonne chance à eux ! |