Comédie philosophique d'après l'oeuvre de Madame du Châtelet, mise en scène de Beata Nilska, avec Edith Vernes et Sylvain Bergert.
Beata Nilska propose, sous le titre "Discours sur le bonheur", un spectacle qu’elle qualifie de "comédie philosophique" qui ravira les amateurs friands de l’atmosphère du Grand Siècle, de la prose ciselée du Siècle des Lumières et de la fréquentation des érudits du 18ème siècle.
D’autant qu’il dispense des extraits de l’œuvre éponyme que Madame du Châtelet consacra au sujet intemporel qu’est la quête du bonheur.
Madame du Châtelet, femme éduquée à l’égal des hommes, ce qui n’était pas la règle à son époque, cultivée, passionnée et assumant une vie libre, a quitté famille et vie parisienne pour l’amour de Voltaire - qui écrira d’elle tout en la trompant "Il n’y a rien, dans tout ce siècle, de si admirable qu’elle" - et dont elle partagera la vie tant amoureuse qu’intellectuelle pendant dix années formant, écrit-elle, un couple de "philosophes très voluptueux".
Alors qu’elle atteint la quarantaine et pressentant peut-être la rupture, elle consigne par écrit, presque sous forme de vademecum, le fruit de sa réflexion et de son expérience personnelle sur le but de la vie qui est d’être heureux autant que faire se peut et sur le meilleur moyen sinon d’y parvenir du moins de mettre tous les atouts de son côté.
Certes, comme elle l’indique, ses considérations ne sont pas destinées au commun de mortels mais aux gens du monde qui, dégagés des basses contingences matérielles, peuvent aspirer au bonheur et s’y consacrer.
Ses propos, et propositions, s’ils ont révélateurs des grandes idées novatrices qui agitent son siècle, telle l‘émancipation des esprits en s’affranchissant des préjugés au rang desquels elle inclut la religion, empruntent également aux préceptes antiques? Ainsi en préconisant la préservation de son capital santé, compenser la légitime bombance due à la gourmandise recommandée par une diète subséquente, et prônant la vertu de l’esprit, décline-t-elle l'adage de l'esprit sain dans un corps sain. Par ailleurs, en indiquant qu’une des règles consiste à ne pas se complaire dans le malheur, elle positive avant l'heure.
S’agissant plus précisément de l’amour qui est une des sources du bonheur, si elle vante la nécessité d'être susceptible d'illusions, elle manifeste également lucidité, notamment quand aux effets du temps sur sa pérennité, et pragmatisme en ne comptant pas trop sur les autres et en prévoyant des solutions de replis comme "se contenter des goûts à défaut de passions" et "cultiver le goût de l’étude" qui ne déçoit jamais.
Avec la présence d’un valet zélé, Sylvain Bergert, qui papillonne sur scène dans un décor de cabinet de travail dans son jus, et qui, indiscret, lira à voix haute la lettre de rupture de Voltaire, Edih Vernhes, plus jolie que la vraie Emilie du Châtelet, dont surtout à en entendre, par voix off, le portrait fielleux fait par Madame du Deffand, grande amie de Voltaire, dispense, par voie de soliloques à l’adresse du public ou écriture à la table, une partition totalement maîtrisée. |