Un passage furtif dans les rayons BD de France et de Navarre plaiderait largement pour le non. Certes, je grossis le trait car il est également possible de se fendre doucettement le citron avec les motards, les geeks, la police, les profs… Je n’oublierai pas non plus les multiples guides (guide du jeune père, guide du mariage…) que certains inconscients n’hésitent pas à offrir comme cadeau de circonstance. Il est clair que la majorité de ces ouvrages passent à côté de leur objectif initial : faire rire.
Mais ne vous inquiétez pas, les ouvrages qui font réellement piaffer ne sont pas tous cachés dans les caves sombres et poussiéreuses de vos libraires. La "BD qui fait rire" est une tradition française et ce de longue date. Ainsi pléthore d’auteurs ont fait péter les intestins de rire des générations entières de lecteurs et si on pouvait effectivement mourir de rire, un auteur comme Gotlib avec ses Rubriques à brac ou ses Dingodossiers serait un serial killer, voire un tueur en masse.
Il est même très facile de citer d’autres auteurs dont la bibliographie tout à fait exquise : le Nordiste Tronchet (j’avoue, je plaide pour ma terre d’accueil !) avec Sacré Jésus et sa série des Damnés de la terre associés (Stars d’un jour, Jours de stars et Stars toujours), Maëster et sa Sœur Marie-Thérèse, et plus récemment certains auteurs comme Riad Sattouf ou Manu Larcenet ont donné vie à Pascal Brutal et Bill Baroud, des héros qui ont défrayé la chronique par leur délicieuse imbécilité (tous ont effectivement officiés à Fluide Glacial, ce qui prouve qu’il existe aussi en BD des écoles d’excellence).
Vous l’aurez compris, la liste est longue, je ne vous présenterai donc pas un panorama exhaustif de la bande dessinée drolatique francophone. Je me limiterai plus modestement à ce qui m’a fait marrer ces derniers temps.
The Autobiography of me too Guillaume Bouzard (Les Requins Marteaux, mai 2008)
Je commencerai par un auteur tout à fait exceptionnel. J’en tiens pour preuve que celui-ci a tout de même réussi à me faire chialer de rire en racontant l’agonie de sa mère (j’avoue, c’est troublant et moralement inacceptable mais c’est surtout très drôle !). Cet auteur qui se permet tout et surtout n’importe quoi, c’est Guillaume Bouzard. Son œuvre est prolifique et il est donc difficile de savoir où donner de la tête : de ses débuts avec Plageman, l'homme plage, le seul super héros qui protège avec brio notre beau littoral, en passant par la série du Club des Quatre, ou bien encore son one-shot surréaliste Coincoin, l’homme manchot empereur et son expérience journalistique pour So Foot avec Football, football.
Cependant, il atteint des sommets avec ses fantaisies autobiographiques. Je vous conseille donc de vous jeter tête baissée dans les trois tomes de The Autobiography of me too. Bouzard nous y raconte les aventure rock’n’rollesques d’un trentenaire (notre auteur), vivant dans une de nos belles campagnes. Nous faisons la connaissance au fil des pages de son meilleur pote, son chien Flopi, de ses copains de murge et bien évidemment du patron du bar qui accueille la belle équipe. Clairement, seule sa compagne semble épargnée par l’épidémie de débilité profonde sévissant dans les parages. Il invite aussi pour pimenter ses tribulations les nouveaux X-men ou plus exaltant encore Lemmy de Mötörhead. D’ailleurs, la musique est omniprésente et ce n’est ni de l’Opérette, ni du Jazz (trop mou !) mais du Rock, du vrai ! avec une pointe de Punk de préférence. Cette déferlante d’énergie crachée par la Platine de notre héros tranche avec sa léthargie quasi-légendaire de branleur de compèt’.
Tous ces ingrédients nourrissent une série de gags délirants avec, pour ma part, une mention spéciale à l’épisode de Jump Lapin. Il faudra noter également la belle couverture en tissus des trois tomes qui en fait un cadeau de choix.
The autobiography of a Mitroll Guillaume Bouzard (Dargaud, collection Poisson pilote, novembre 2008)
Bouzard détourne l’exercice d’autobiographie avec The autobiography of a Mitroll où il nous raconte comment à la mort de sa mère, il apprend qu’il n’est finalement pas le fils d’un officier Nazi planqué (comme il l’avait initialement supposé) mais celui d’un troll. Les lecteurs les plus judicieux auront rapidement compris où se situent les frontières entre la fiction et la réalité. J’avoue que le second tome s’essouffle sur cette bonne idée de départ mais les quelques temps morts n’ont pas raison de mon verdict final The autobiography of a Mitroll reste la garantie d’une bonne poilade !
Jacques le petit lézard géant Libon (Dupuis, janvier 2008)
En matière de franche rigolade, quelques petits nouveaux déploient un certain talent pour me coller des maux de bides inoubliables (et oui, les abdos sont le deuxième muscle du rire !), je pense notamment à Libon. J’ai découvert Libon dans Spirou Magazine grâce aux aventures de Jacques le petit lézard géant (suivi de Jacques a plein d’amis et Jacques relativement discret). J’avoue la couverture est à elle seule tout à fait captivante et je n’ose m’attarder sur le titre.
Les aventures de Jacques, un petit varan ayant fricoté de trop près avec une mini bombe atomique, sont gentiment décalées. Certes, ce n’est pas à toutes les pages l’éclat de rire garanti mais c’est tout de même avec plaisir que nous suivons Jacques à la recherche de sa mamie dans une société qui accepte encore difficilement la différence !
Un scooter dans la mâchoire Libon (Dupuis, août 2009)
Libon, c’est aussi l’auteur des tribulations périlleuses de Hector Kanon (Une certaine Elite et Un scooter dans la mâchoire) ! Hector Kanon est un con dans toute sa splendeur et il est donc difficile de ressentir une once de scrupule à se foutre de sa gueule. Hector, c’est un peu le mec qu’on a tous connu au collège qui se la pétait avec son nouveau scooter, ses belles sapes et une tendance prononcée pour la mythomanie, sauf que notre Homme n’a plus 14 ans mais 30 ans passés. L’excuse de l’âge volatilisée, il ne reste plus qu’un vaste sentiment de gêne que seul notre héros ne semble pas ressentir. Libon s’en donne à cœur joie et de la même manière que dans les aventures de Jacques, on appréciera la portée hautement comique de ses trognes.
Nini Patalo Lisa Mandel (Glénat, Collection Tchô, août 2003)
Enfin, je finirai par un de mes auteurs préférés en cas de déprime : Lisa Mandel. La créatrice de la saga Nini Patalo manie l’art du décalage avec une certaine classe, d’autant qu’elle officie en littérature jeunesse, ce qui rend l’exercice d’autant plus périlleux.
Nini Patalo est une gamine qui a fait le vœu de faire disparaître ses parents. Une fois cette requête exaucée, Nini va démarrer une nouvelle vie avec André son canard en peluche qui a pris vie suite à un vœu hasardeux, Jean-Pierre, un homme préhistorique décongelé, la mort et une horde de mini-pingouins qui colonisent le frigo. Tout ce beau monde est réuni pour vivre des aventures absurdes et hilarantes. J’avoue que ces derniers temps, j’offre régulièrement les aventures de Nini au grand bonheur de mon entourage mais en toute franchise, je préfère vous prévenir comme dirait l’autre les tester, c’est les adopter. |