Comédie dramatique de Timothy Daly, mise en scène de Isabelle Starkier, avec Michelle Brulé, Sébastien Desjours, Vincent Jaspard, Stéphanie Pasquet et Nathalie Royer.
Après "Le bal de Kafka", et "Richard III... ou presque" présenté notamment au Théâtre du Lucernaire à l'automne 2010, Isabelle Starkier met en scène, en création, "L'homme dans le plafond", un texte récent du même dramaturge australien Timothy Daly.
Inspiré par un fait réel qui illustre une fois encore que la réalité dépasse souvent la fiction, il a conçu un conte tragique et burlesque, au sens premier du terme, qui explore les dérives de la condition humaine confrontée à des situations extrêmes imposées par l'Histoire.
Pendant la seconde guerre, une femme allemande offre l'hospitalité à un juif errant dans la forêt. Son mari, mû ni par l'humanisme ni par le devoir ni la conviction politique mais uniquement par le pragmatisme, lui propose un marché dont l'enjeu est la vie : moyennant finance puis travail manuel, il accepte de le prendre comme locataire occulte.
Avec pour tout horizon que le ciel aperçu de la fenêtre et pour tout contact avec la vie que les paroles échangées avec ses "bienfaiteurs", le juif accepte, plein de gratitude, de se terrer dans le grenier. Et ses bailleurs maintiendront sa réclusion au delà du nécessaire en lui cachant que la guerre était finie pour continuer de bénéficier de cette aubaine qui se traduit en aisance pécuniaire. Et sans doute cela aurait-il pu continuer bien longtemps encore n'étaient la curiosité d'une voisine et la gaffe de la femme.
Isabelle Starkier a opté pour une narration tragi-comique brechtienne par tableaux avec l'intervention d'un chanteur accordéoniste qui s'insinue en narrateur étrangement éclairé dans cette histoire lors de suspensions en forme d'arrêts sur image et qui introduit la distanciation nécessaire pour s'extraire du réalisme anecdotique et instiller un souffle métaphysique.
Dans un décor à l'esthétique expressionniste conçu par Jean-Pierre Benzekri, avec, posée sur un praticable à double inclinaison inversée, une maison miniature, frustre et bancale, sans façade comme une maison de poupée, et sous les lumières tant délétères qu'oniriques de Bertrand Llorca, Isabelle Starkier a réuni des comédiens de tout premier plan qui apportent leur talent pour donner toute son ampleur à une partition plus délicate qu'il n'y paraît notamment en ce qui concerne l'ambivalence des relations qui s'instaure entre les personnages.
Michelle Brulé joue la narratrice musicienne qui déroule le fil du destin et orchestre les tensions entre le mari cupide et veule (Vincent Jaspard), la femme lâche (Nathalie Royer) et la voisine nazie (Stéphanie Pasquet). Dans le rôle du reclus pour qui la duperie va ébranler sa foi en l'homme, Sébastien Desjours se montre tout simplement magistral. |