Comédie de Paul Pourveur mise en scène et interprétée par Sophie Cattani, Odja Llorca, Antoine Oppenheim et François Sabourin.
Le 5 août, Anna et William se rencontrent lors d'une rétrospective Godard. Tous deux, bien intégrés, vivent pourtant en marge de la société actuelle. Lui, bien qu'altermondialiste, travaille chez Gap. Elle, actrice classique, ne jure que par William Shakespeare et rêve son existence au 17ème siècle.
Ces deux personnages décalés, bourrés de contradictions, vivent leur amour au temps du capitalisme triomphant. Dans quelle mesure peuvent-ils dès lors travailler à leur propre disparition? L'ambiguïté de leur engagement, politique pour l'un et artistique pour l'autre, se manifeste dès qu'il s'agit de contester les rapports de pouvoir, économique ou de création, dont ils bénéficient eux-mêmes.
"Shakespeare is dead, get over it !", le texte de Paul Pourveur se voit d'abord comme un hommage à Godard. La narration est fractionnée comme dans le film "Le mépris" dont on retrouve la thématique de l'accident de voiture. Son personnage William, pourtant moderne, est l'enfant de la philosophie de l'absurde de Camus pourtant il périra, sous l'empire de la jalousie, pris d'une folie destructrice digne des personnages de Shakespeare. Quant à Anna, elle connaîtra le destin tragique d'une icône américaine à l'heure du coca cola et de l'âge d'or hollywoodien.
La mise en scène du Collectif ildi! eldi intègre avec intelligence toutes ces références du texte de Paul Pourveur. Les deux acteurs et les deux actrices se partagent les rôles de William et Anna, ainsi que ceux des personnages secondaires. Sophie Cattani, Odja llorca, Antoine Oppenheim et François Sabourin bondissent d'un personnage à l'autre.
Les voix, plus narration que dialogue, sont amplifiées par un système de micros. Comme dans la musique concrète de Pierre Schaeffer, il s'agit de recueillir le concret sonore et d'en extraire la puissance. Le son de Benjamin Furbacco et la lumière de Ludovic Bouaud participent de l'éclatement stroboscopique de la narration qui devient une chorégraphie savante.
Le décor, sous forme de panneaux roulants, contribue aussi de cette impression constante de flotter entre le concret d'une histoire et l'abstrait du concept, d'un monde angoissant qui évolue sans arrêt. Malgré cette mise en scène sophistiquée, les quatre acteurs sont, tout au long de la pièce, dynamiques, à l'aise et naturels.
Drame shakespearien dans lequel on n'échappe pas à son destin, illustration de la vacuité de l'existence, cette pièce de Paul Pourveur adaptée pour la scène de manière éclairée par le Collectif et ildi! eldi, et interprétée avec beaucoup d'allant par quatre comédiens talentueux est un hommage en forme d'éclats de rire à William Shakespeare comme à Jean-Luc Godard. |