1940.
Un camion roule sous le soleil couchant. Louis traverse la France
au volant d’une cargaison précieuse, des tableaux du
Musée du Louvre, qui doivent être entreposés
en lieux surs. On ne sait pas qui il est ni d’où il
vient, si ce n’est qu’il passait ses vacances chez ses
grands parents dans le Berry où "les
cerises trop mûres sont bouffées par les oiseaux".
Sur la route, il croise une jeune femme sortie de nulle part qui
va là, devant. Une vraie rencontre pour un amour pudique
avec Sarah la charnelle. Le couple se découvre et se forme
sous nos yeux, d'un mot, d'un regard, d'un geste comme une esquisse.
Il l’emmène sur la route qui s’achève
dans le sud. Pour y vivre quelques années de guerre dans
ce lieu où périodiquement les toiles de maîtres
sont sorties de leur caisse pour prendre l’air posées
à même l’herbe des prés comme des draps.
Avec un écriture très concise, presque minimaliste,
ponctuée de silences, axée sur le ressenti sensitif,
Antoine Choplin nous propose une belle
métaphore avec le Radeau de la Méduse.
Les hommes surgis du néant sont propulsés dans la
vie, comme sont expulsés les fœtus lors de la naissanc,
et sont ballottés par les événements se raccrochant
les uns aux autres comme les naufragés du célèbre
radeau. Ces tableaux arrachés à la destruction ou
au vol constituent leur trésor, leur fierté et leur
gloire plus que leur vie.
Et puis, au cœur de cette narration, une édifiante
analyse de l’émotion picturale :
"C’est dans la dimension de ce conflit
(la confrontation de la peinture à la réalité),
dans cette distance inévitable, dans cette distorsion entre
le réel et sa représentation que l’émerveillement
trouve sa place…Et pourquoi pas finalement jusqu’à
négliger tout à fait cette réalité du
monde visible. Et voilà cette distorsion qui s’inverse…qui
prend là une tout autre valeur : celle de la création,
libre, en vibration avec ce qu’il y a de plus profond en nous".
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