Réalisé
par Bruno Rolland. France. Drame. Durée : 1h33 (Sortie le 6 juillet 2011). Avec Anne Azoulay, Ginette Garcin, Éric Elmosnino, Thibault de Montalembert et Jean-Claude Dauphin.
Une grand-mère qui perd la boule, un prof à Sciences-Po qui mérite des coups de boule et des strip-teases dans une boîte qui a la boule au plafond. Tel est le fond et l’arrière-fond de "Léa", film scénariquement singulier, qui laissera perplexe, mais perplexe plutôt en bien.
Quand un jeune réalisateur réussit à mener à son terme quelque chose d’aussi casse-gueule, on peut lui promettre des lendemains cinématographiques meilleurs, en espérant qu’on ne sera pas les seuls à lui reconnaître de vraies qualités dès ce film fragile.
Déjà, il faut le féliciter d’avoir survécu à une des figures de style les plus périlleuses du cinéma hexagonal : celle de la fille mal dans sa peau, qui se cherche pendant une heure et demie, en tirant constamment la tronche, en ne desserrant jamais les dents, même quand elle est supposée prendre un peu de plaisir dans une coucherie glauque ou brutale.
Évidemment comment en vouloir pour sa triste figure à une jeune fille qui s’occupe de Ginette Garcin, dans son ultime rôle de vieille femme qui s’en va ? Comment avoir le sourire aux lèvres en suivant des cours à Sciences Po au milieu de têtes à claques friquées qui n’ont cure qu’elle soit obligée de montrer ses fesses pour payer ses chères études ? Comment rigoler quand le scénariste ajoute à ses malheurs un père notable qui l’a laissée en rade ?
Léa n’a pas de chance dans cette société qui broie son esprit et l’oblige à exhiber son corps. En revanche, elle a une sacrée volonté pour s’évader à peu près intacte du cauchemar qu’on lui impose àl’écran.
Il faut forcément créditer Anne Azoulay d’une grande performance, parce qu’elle porte entièrement sur ses épaules dénudées une histoire qui a besoin d’une actrice totalement investie pour que l’exercice soit crédible. Il faut forcément remarquer que Bruno Rolland sait diriger des comédiens et créer des ambiances très contrastées.
Son Havre minimal et désespérant ne sombre pas dans les clichés de la province pour cinéastes parisiens et son Sciences-Po exaspérant, bien souligné par un Thibault de Montalembert imbu de son magistère, n’a rien de la caricature.
On aura une pensée amicale pour Jean-Claude Dauphin s’excusant de jouer les partouzeurs, à défaut de trouver enfin un rôle à sa mesure, mais ajoutant avec délicatesse un élément troublant de plus au film de Bruno Rolland.
Et, puis, in fine, on remerciera le réalisateur d’entrouvrir la fenêtre pour aérer son film et pour lui faire profiter d’une gouttelette d’espoir.
Bonne chance à Léa, à Anne Azoulay pour la belle carrière qui s’ouvre devant elle. Un dernier salut à Ginette Garcin pour tout ce qu’elle a été, et jusqu’au bout.
Enfin, un merci personnel à tous ceux qui iront voir un film pas facile à aimer mais mille fois plus attachant que les films trop froidement fabriqués pour être honnêtement aimables. Ceux qui ont détesté "Tomboy" comprendront ! |