Comédie de Eric Rohmer, mise en scène de Frédéric d'Elia, avec Elodie Colin et Alain Valère.
Créé au Théâtre Renaud Barrault (l’actuel Théâtre du Rond-point) par Eric Rohmer lui-même en 1987, "Le trio en mi bémol" est la seule pièce de théâtre de l’auteur-réalisateur de la Nouvelle vague, mort l’an dernier.
Qu’on aime ou pas ses films, on ne peut nier qu’il aura marqué le septième art notamment avec ses séries de "Contes moraux", "Comédies et proverbes" ou "Contes des quatre saisons".
On retrouve dans ce huis-clos à deux personnages composé de sept tableaux avec pour cadre unique l’appartement de Paul de deux mois en deux mois, le style très bavard de l’auteur du "Genou de Claire".
Dans cette comédie amoureuse, on va assister aux retrouvailles de Paul et Adèle qui ont été ensemble autrefois et qui entretiennent désormais une relation d’amitié qui va lentement basculer sur fond de musique classique, principalement le fameux "Trio en mi bémol majeur" de Mozart qui servira de lien entre les deux jeunes gens. C’est l’introspection, les rapports amoureux et la frontière floue entre amour et amitié qui sont abordés ici.
Comme la première scène qui voit Paul aux prises avec un échiquier, c’est à une partie d’échec à laquelle on assiste, chaque personnage avançant ses pions avec stratégie. C’est finalement la musique et donc l’émotion qui les réunira. Comme toujours chez Rohmer, l’issue est morale et un évènement, le déclencheur pour un ou plusieurs des protagonistes (le rayon vert dans le film du même nom, l’heure bleue dans "Quatre aventures de Reinette et Mirabelle" etc…)
Dans une mise en scène modernisée (c’est un écran vidéo projetant l’image des toits de Paris depuis la fenêtre de Paul qui marque les changements de saison) et en situant l’action aujourd’hui (Ipod et portables ont fait leur apparition dans le décor), Frédéric d’Elia donne à voir le texte avec intelligence et dirige avec brio deux comédiens épatants.
Elodie Colin dans un jeu très extraverti fait voir peu à peu les failles de son personnage ; elle impressionne par son abattage et son tempérament. Quant à Alain Valère, dans un jeu au total opposé, il est émouvant de sobriété, d’intériorité et montre une très belle écoute. Un duo qui parvient à nous captiver dans ce marivaudage moderne qui vaut le déplacement. |