Tout le monde en parle de ce roman : L’île sous la mer d’Isabel Allende. Il paraît que c’est le bouquin de l’été, sur lequel il faut se pencher pendant ces quelques jours sur la plage. Il vous fera passer pour un touriste cool et responsable. Parce que ce que vous lisez montre ce que vous êtes (n’avez-vous pas regardé de travers celui qui lisait Freud, et ricané à celui qui feuilletait distraitement un magazine de propagande voyeuriste ?).
L’auteure, Isabel Allende, a fui la dictature de Pinochet après le coup d’Etat de 1973 contre son oncle Salvador. Elle se lance dans l’écriture en 1982, et puisque le succès se pointe, elle continue à dresser des portraits de femmes à travers l’histoire.
L’île sous la mer est l’autre nom du royaume des morts pour les esclaves noirs du 18ème siècle, autant dire qu’ils l’évoquent souvent. Le roman est écrit du point de vue de Zarité, une esclave embauchée comme femme à tout faire chez Valmorain (mais vraiment TOUT faire). A travers ses yeux, le lecteur est transporté dans l’époque, avec le labeur sous les grosses chaleurs, la supériorité affichée des blancs sur les noirs, le mal-être des mulâtres.
Tous les commentaires que j’ai pu croiser concernant ce roman, au détour de magazines plus ou moins littéraires, (dans la rubrique "que lire cet été ?") étaient d’accord sur ce point : la vie dans les plantations de canne à sucre, le désir de liberté qui démange, la réalité du quotidien sans manichéisme… moi aussi. Mais pour ceux qui ne savent pas lire entre les lignes : quand on raconte l’histoire du quotidien, l’évolution du monde autour d’un seul personnage, et bien ça ne raconte rien d’autre, pas d’intrigue, pas de rebondissement, pas de truc à suivre qui donne envie de finir ce livre à tout prix.
Le roman relève plus du documentaire que de la fiction. Même si l’histoire vous emmène de Saint-Domingue à la Nouvelle Orléans, traite de la tolérance au Vaudou (genre : on n’interdit pas, on ne sait jamais, si ça marche leur truc, on n’est pas dans la mouise), de la clandestinité après la fuite d’une exploitation, de bébés qui rejoignent l’île sous la mer un peu trop tôt, (ça leur évite l’humiliation de l’esclavage).
Ce livre vous donnera l’air d’un militant pour l’égalité des peuples et le droit à la liberté pour tous, parce que c’est aussi à ça que "sert" ce type de roman plus descriptif qu’inventif : nous faire prendre conscience que les discours extrémistes ont déjà fait des ravages dans les peuples, quels qu’ils soient. Les combats de Zarité, ses rêves et ses espoirs peuvent être extrapolés à toutes les femmes victimes des lois anti-émancipation, à tous les enfants subissant les coups d’un sort pas assez tendre avec eux, à tous les hommes survivant dans des univers ultra-sectorisés.
D’un autre côté, si vous partez au bord de la mer et qu’il ne fait pas beau, vous pourrez toujours lire ce livre imbibé de soleil et de chaleur sans climatisation, ce qui vous fera apprécier un peu mieux la fraicheur des plic plic caractéristiques de la pluie sur une toile de tente. |