François Cérésa est un visionnaire, tout en restant en phase avec son époque, notre époque, mon époque, celle de l’apogée des râleurs et des cyniques. Lui, c’est tout en finesse qu’il propose une nouvelle collection aux éditions du Rocher : la collection des éloges, mais pas n’importe quel éloge, seulement des éloges du mauvais côté de la force : la vulgarité, l’imposture, le nihilisme, l’arrogance, la trahison, la sauvagerie, la duplicité et j’en passe.
Pour ce faire, il invite des écrivains à s’épancher sur un vice humain, afin d’y trouver une subtile vertu, ou pas. Et c’est François Bott qui se colle l’Eloge du contraire. Et j’oserai dire : quel talent ! Même si mon cerveau en vacances est un peu ramolli, il n’a pas pu passer à côté des astucieuses figures de styles et du verbe racé de Monsieur Bott. On sent la patte d’un philosophe derrière cet ancien chroniqueur d’histoire littéraire.
Dans cet éloge du contraire, François Bott nous propose également une apologie du paradoxe, inévitable corollaire de l’ambigüité humaine. "Cultive tes vices, et tes vices deviendront des vertus", quelques lignes plus tard : "Cultive tes vertus, et tes vertus deviendront des vices" et ce paragraphe suffit à montrer l’ampleur de la tâche : le contraire, le paradoxe... Pas forcément les inverses ni les opposés, mais la manière dont un côté de la pile nous amène irrémédiablement de l’autre côté.
François Bott retranscrit ses conversations avec sa concierge, une de ces sacrées bavardes au grand cur, qui n’hésite pas à contredire, ou à réclamer des reformulations. Et franchement, la concierge, c’est nous, braves lecteurs incultes, qui usons à l’usure de paradoxe. Nous sommes des philosophes latents, des sieurs Bott formulent nos actes, et ça les rend plus philosophes que nous. Voilà, je viens de faire un paradoxe, comme ça, en live.
Je m’explique, pour ceux qui ne suivent pas, ou qui ont le cerveau encore plus ramolli que le mien : en agissant comme des concierges (non-philosophe), en bavassant amicalement, nous alimentons les études des philosophes (ceux qui mettent des mots sur les inconsciences), nous devenons des sujets de recherche anthropologiques, nous devenons donc l’essence même de la philosophie, en ce que nos comportements démontrent la véracité des démonstrations philosophiques. Je vais la faire courte : c’est un paradoxe. Vous ne suivez pas ? Moi non plus, je ne sais plus trop où je voulais en venir… No soy la philosophia aqui !
Tout ça pour dire que les contraires sont des sortes d’équilibres, "il faudrait toujours faire l’éloge de la méchanceté quand la gentillesse (sirupeuse et fade) nous étouffe et nous emmerde ; l’éloge de la gentillesse quand elle nous repose de la méchanceté". D’habitude, je me tire de ce genre de situation en me prétendant humaine et imparfaite, parce que les gens parfaits sont relous… hop là, un petit paradoxe, vite fait, en direct.
Et ce que nous montre François Bott, en usant de citations de tous bords, en prétextant des conversations avec sa concierge, c’est que chaque contraire peut être retourné, comme poussé vers ses limites, jusqu’à basculer de l’autre côté, vers son contraire. Un peu à la manière de "trop de chocolat tue le chocolat".
Sujet : "Trop de trop tue le trop ?". Vous avez quatre heures ! |