L'homme et son avenir est un des thèmes favoris de la science-fiction. Depuis les débuts du genre, beaucoup d'auteurs ont développé ce sujet. Raphaël Granier de Cassagnac, pour son premier roman, est lui aussi parti dans cette voie.
Depuis l’apparition d’un virus qui l’a décimée, l’humanité, ou du moins ce qu'il en reste, s’est réfugiée dans une ville-bulle contrôlée par un Processeur, régentant la vie de cette communauté. Au bout de plusieurs siècles de bons et loyaux services, le Processeur s’arrête, laissant les humains livrés à eux-même, pris au désarrois et à l’incapacité de faire face au quotidien et aux menaces tant extérieures, qu'intérieures. L’histoire de l’humanité peut donc commencer à être écrite dans sa phase suivante.
Le roman suit le chemin de trois personnages, tous narrés à la première personne, dans cette vie post Processeur. Chemin semé de questionnements et de recherche de soi, au travers d'une quête qui les emmènera aux sources des fondements de la Bulle et de la destinée de ce qui reste des hommes.
La ville-bulle, concentré d’humanité, est un microcosme idéal pour sonder les travers de l'Homme. Evidemment, le parallèle avec notre modèle de société est très présent tout au long du roman, et on ne peut s'empêcher de rechercher les traces de notre quotidien dans ce futur fantasmé. Le trait grossi d'une dictature de la machine sur l'homme, est une litote intéressante. L'homme a fabriqué son despote et ne peut vivre sans, mais le despote est-il simplement malveillant ? Le Processeur répondant à une programmation, qui est l'instrument de cette dictature ? Le fond du roman n'est pas sans rappeler les tragédies classiques, dont l'un des thèmes est d'aborder la question de la destinée et les extrapolations que l'on peut en tirer appliquées à la bulle. Ajoutons à cela une écriture fluide et aisée. Le souci particulier apporté au découpage de la narration, qui laisse filer les personnages, les fait se croiser, se rencontrer à la recherche d'une réponse.
Pour étoffer son roman, Raphaël Granier de Cassagnac a créé un univers autour du livre. La musique étant très présente autour du personnage de Sean, l'auteur a mis en ligne un site avec des compositions originales attribuées à Sean, que l'on peut à loisir écouter. Des photos illustrent les explorations d'Ange, la gardienne de l'ordre, à l'extérieur de la bulle et les textes sont assurés par Gina, Chargée de la connectique (on peut même leur écrire, et je suis prêt à parier qu'ils répondront). Tout ceci fait de ce roman un objet multimédia, dont la vie est augmentée dans le monde virtuel.
Eternity Incorporated est un premier roman très réussi et le quatrième de couverture n'est qu'un résumé succinct des richesses qu'il renferme. Certes, il s'agit de donner envie au lecteur, et cette envie ne fait que grandir au fur et à mesure des pages, accompagnant un plaisir certain. |