Réalisé
par Stephan Komandarev. Bulgarie/Hongrie/Slovénie/Allemagne. Drame. Durée : 1h45 (Sortie 2008). Avec Miki Manojlovic, Carlo Lubek et Hristo Mutatchiev.<
Pour l’été, un été qui commence sous les auspices d’un temps maussade et qui accumule les crises économiques, les salaceries déessekhaniennes et les tueries norvégiennes, la vision du film de Stephan Komandarev s’impose comme un viatique radical.
Évidemment, seul reproche à lui faire, le film n’est pas idéalement servi par un titre bêtement en anglais et pas très signifiant. On se doute que le "world is big", mais de là à comprendre que l’on va pédaler cinématographiquement à travers l’Europe en compagnie d’un tandem composé d’un petit-fils amnésique et de son grand-père bulgare, champion émérite de jacquet, pardon de "backgammon" pour dire la même chose dans la langue dominante...
Hirsute, rigolard et moustachu, c’est le grand et kusturicien Miki Manojlovic qui compose pour Stephan Komandarev l’un de ses plus beaux personnages. Dans chaque scène, il s’est mis à l’unisson du message délivré en exergue du film : "Le monde est grand et le salut nous guette de partout".
Et il en faut de l’optimisme dans cette histoire pour ne pas péter un câble, même si les freins du tandem finissent par lâcher... De la Bulgarie communiste aux camps de réfugiés italiens, de la mort de ses parents à son esprit sans souvenirs, Sachko a bien besoin d’un pépé baroudeur qui croit au pouvoir des dés pour enfin se reconstruire.
Ici, mine de rien, on assiste (peut-être) à la naissance d’un vrai cinéma européen, ou tout au moins d’un cinéaste qui sait utiliser l’espace Schengen et veut réconcilier l’Ouest et l’Est en combattant symboliquement les amnésies qui arrangent les uns et les autres.
Gide disait qu’on ne fait pas de la bonne littérature avec des bons sentiments. Komandarev prouve que cette loi n’est pas vrai pour le cinéma. Sans doute, y a-t-il une différence entre les "bons sentiments" critiqués par Gide et les "beaux sentiments" montrés par Komandarev. Car dans "The World is big", jamais il n’est question de s’apitoyer, de surligner le malheur, de donner raison au pathos.
Dès le départ, le pépé bulgare secoue les puces de son petit-fils sur son lit de souffrance pour donner le ton à un film qui n’arrête pas de dire qu’il faut se remuer, lutter, tenter, agir.
"Il n’y a pas de mauvais dés, il n’y a que de mauvais joueurs" ajoute ce sacré grand-père. Alors, il va n’avoir de cesse que d’apprendre à jouer ou à rejouer à Sachko.
Comme on dit outre-Atlantique, et sur Froggy's Delight par la même occasion, "The World is big" est un "Feel good movie". Ce qui, en french, pourrait se traduit comme une "péloche file la pêche".
Si l’on jouait à un autre jeu hasardeux, le "satisfait ou remboursé", on peut sans craindre écrire qu’aucun de ceux qui essaieront ce DVD "file la pêche" n’iront l’échanger contre deux épisodes d’Harry Potter.
Ah ! Ne pas oublier de féliciter Stephan Valdobrev pour une belle musique qui a un joli côté Nicola Piovani et de souligner que le film est formidablement tenu, avec une image soignée mais pas léchée, un montage subtil malgré les nombreux flash-back qui pourraient alourdir le récit. Komandarev se sort particulièrement bien des scènes de "backgammon", qu’il rend aussi spectaculaires que s’il filmait des combats de boxe.
Pour ça et beaucoup d’autres choses, il faut se procurer "The World is big", une œuvre pleine d’émotion et totalement sincère. |