Comédie dramatique de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre, mise en scène de Yohan Manca, avec Pierre Rochefort, Stéphane Ramirez, François Papin et Yohan Manca.
En format court, une heure pétante, tout est dit dans "Pourquoi mes frères et moi on est parti…" qui aborde, à travers l'histoire de quatre frères victimes de la production d’universitaires sans marché, la situation de la jeunesse engluée dans le chômage massif qui résulte de l'échec de l'Etat post-colonial dans certains pays, notamment ceux du Magreb.
Focus sur une famille comme bien d'autres, composée d’une mère mourante et de quatre frères, qui vit pas dans la précarité, au moment qui précède le basculement, l'exil sans doute, pour échapper à ce marasme délétère qui les confine à l'attente, sans réelles perspectives d'avenir, passant leur temps à jouer au football pour pour passer le temps, bien sûr, mais aussi pour expulser les frustrations et les angoisses, canaliser la violence sous-jacente et surtout épuiser le corps pour ne pas se laisser aller à des comportements extrêmes.
Ils appréhendent différemment la vie et nourrissent des rêves également différents : Dali, l’aîné qui a dû suspendre, sans y renoncer, ses études de médecine (François Papin impressionnant), puis Taco qui veut tout tout de suite (Yohan Manca puissant), Mo, le désenchanté (Pierre Rochefort intériorisé) qui se vend aux touristes et Nour, le cadet, (Stéphane Ramirez éblouissant) qui veut devenir le grand mime international Nour.
Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre signe un texte éloquent et une partition concise et efficace qui s'inscrit dans le registre du théâtre-action et plus précisément dans la veine du théâtre anglo-saxon contemporain tant au fond qu’en la forme, obédience "In yer face theatre" et écriture à l’anglaise avec des scènes brèves qui vont à l’essentiel.
Sur un plateau nu, Yohan Manca, 21 ans au compteur, signe un travail sans faille avec, basée sur l’énergie et le jeu réaliste, une mise en scène totalement au diapason avec les lignes de force du texte maîtrisant les scènes chorales faites de tensions et ne laissant aucune prise à la dérive du "numéro" qui pourrait être induite par les scènes de monologues brossant le portrait intime de chaque personnage.
La distribution est plus qu'épatante avec, pour ceux qui ne les ont pas vu déjà sur une scène, une révélation. |