Comédie dramatique de Isabelle Cote, mise en scène de José Paul et Agnès Boury, avec Lysiane Meis, Bernard Malaka et Eric Savin.
A l’encontre de ce que peut laisser penser tant son titre que sa résonance phonétique, la thématique de "Entre deux ils" ne ressortit pas à la déclinaison classique du trio de comédie.
A travers le moment de vacance amoureuse de Claire entre deux hommes, Isabelle Cote raconte une histoire simple d’hommes et de femme qui, au cours du long fleuve pas tranquille de la vie, prennent, un jour, une décision radicale qui s’est imposée à eux suite à un "déclic" et se traduit par une rupture revêtant toujours un caractère déchirant.
Couple de quadras urbains sans enfant unis depuis dix ans, Claire, parfait grillon du foyer, et Rémi, cadre marketing dynamique costume gris et chaussures à bouts pointus, commencent leur week end par une douillette soirée cocooning-papouilles. Le samedi matin, avec le café, Claire annonce subitement, et sans aucune explication, son départ définitif et sans appel et remet pour solde de tout compte à son mari effondré, une courte lettre et un répertoire d’adresses et de conseils logistiques.
La cause de ce départ n’appartient pas au domaine amoureux. Une raison plus profonde et impérieuse amène la jeune femme à Toulouse dans ce qui est devenu une librairie tenue par un ours mal léché, celui qui sera peut-être le deuxième homme.
Dans ce théâtre psychologique de l’intime empreint de réalisme social, l’intrigue, qui comporte plus d’un rebondissement, met en scène des personnages attachants qui possèdent en outre cet humour à froid corollaire d’un certain sens de l’autodérision.
Isabelle Cote y procède à une hybridation harmonieuse entre l’écriture séquentielle à l’anglo-saxonne qui opère par micro-scènes et l’esprit de la comédie à la française, termes souvent injustement utilisés de manière péjorative, basée sur une fine observation des caractères par affleurements.
Elle sait capter et restituer tous les éléments de communication non verbales de même que tisser les fils de l'amour amical et de l'amitié amoureuse, certaines scènes évoquant la stylistique des grands opus filmiques de Claude Sautet, de même qu'elle combine de manière pertinente le rire et l'émotion.
Dans un décor de vieille librairie surranée conçu par Edouard Laug, et sous l’efficace direction conjointe des aguerris José Paul et Agnès Boury, cette partition délicate, qui offre de beaux rôles aux comédiens, est excellemment portée par une distribution émérite.
Eric Savin, bouillonnant dans le rôle du mari fier-à-bras sanguin qui a la sensibilité d’une midinette, et Bernard Malaka, irrésistible dans celui du lettré libraire qui a atteint une sérénité de façade en devenant un ermite dans le monde, sont époustouflants.
Lysiane Meis, comédienne aussi à l’aise dans le répertoire du vaudeville, elle est exquise dans l’emploi des petites épouses bourgeoises de Feydeau, que dans le registre contemporain, incarne parfaitement en l'occurrence, avec maîtrise et humanité, le mélange de retenue et de générosité, de fragilité et de détermination farouche d'une femme douloureuse dont Isabelle Cote trace le parcours salvateur. |