16 septembre de l'an de grâce 2011 dans la charmante bourgade de Granby au Québec. Certes, l'hôtel est dans une zone commerciale à l'entrée de la ville, mais rien n’empêche d'essayer, lecteur de cette chronique, de te faire rêver de maisons en rondins qui bien sûr n'existent pas. Néanmoins, le Castel Hôtel est particulièrement confortable et la proximité d'un mall permet d'aller facilement se procurer de petits cadeaux à ramener comme des fèves au sirop d'érable, qui n'est pas exactement une recette traditionnelle française.
Après cet aparté, revenons à la musique qui est quand même le pourquoi de notre présence au Québec. Le Festival International de la Chanson de Granby propose des vitrines musicales. Devant un parterre de professionnels, de jeunes chanteurs ou groupes qui viennent, pour la plupart, de produire leur premier album donnent un court récital de quatre ou cinq chansons. Le but est de les promouvoir, et surtout de faciliter la mise en relation de ces talents émergeants avec des organisateurs de festivals au Canada, en France, en Suisse et en Belgique.
Le premier artiste à monter sur scène cet après-midi là est Jimmy Hunt. Prix 2011 de l'Académie Charles Cros dans la catégorie Coup de Coeur, le jeune homme est attendu car précédé d'un très bon buzz. Il faut bien avouer qu'un artiste qui, en août dernier, a participé au festival de la poutine de Drummondville mérite toute notre attention.
Trêve de plaisanterie, Jimmy Hunt a une vraie personnalité. Assis derrière une batterie, une guitare sèche ou électrique à la main et un harmonica aux lèvres, il balance une pop folk autant inspirée par Johnny Cash que Charlebois ou les Beatles.Sa voix traîne un peu pour s'attarder sur des histoires de filles qu'on rencontre et qu'on quitte, des histoires romantiques mais surtout à l'écriture ciselée. Son format est l'un des plus facilement "exportable" de la sélection du festival. Sa chanson "Motocross" a tous les atouts pour être diffusée en radio. De plus, son physique de grand adolescent au regard noir caché derrière une mèche châtain clair devrait se faire pâmer les lycéennes. Un artiste à suivre.
Jérôme Dupuis-Cloutier est un jeune homme de 23 ans, qui joue de la guitare ou des cuivres. Son premier album Gentleman refroidi contient entre autres perles la mise en musique d'un poème de Denis Vanier, poète anarchiste québécois. Romantiques ou engagées, ses chansons vont chercher aussi bien des arrangements rock que jazz ou fanfare. Là encore, une belle découverte qu'on aimerait voir débarquer un de ces jours en France.
Francis Faubère, originaire du far west québécois, illustre de folk country soutenue par la trompette ou le banjo ses chansons à l'humour cinglant. Participant à l'édition 2010 du Festival de Granby, ce sont d'abord ses paroles qui accrochent. Par exemple, son titre "Comme tout le monde" commence par un savoureux "Arrête d'essayer d'm'impressionner avec ton gros char (ta bagnole), J'porte le linge que les autres ont jeté, pis j'vagabonde sur un vieux vélo". C'est drôle et sa personnalité accroche tout de suite.
Entre deux chansons, il explique qu'il croit à la chanson prémonitoire : "J'écrivais des chansons d'amour un peu tristes, et à ce moment-là ma vie était bof... Alors je me suis dit que j'allais écrire une belle chanson d'amour. Bah, ça m'a fait une toune (une chanson) de plus...". Un des coups de coeur de ce festival.
Joseph Edgar est un des artistes représentant la jeune scène acadienne. Sa musique est électrique, passionnée. Accompagné par un groupe qui envoie le bois, il balance des morceaux d'un rock bien tendu, tout en énergie, qui fait se crisper les mâchoires. L'écriture musicale avec énormément de ruptures de rythmes fonctionne parfaitement. La machine a à peine le temps de refroidir qu'elle s'emballe à nouveau. Petit bémol, pour nous autres français, les paroles en acadien sont très difficiles à saisir, mais en même temps ça fait partie du charme de cette musique.
Ariane Brunet, jeune femme blonde à la voix douce, passe en dernier. Malheureusement pour elle a-t-on tendance à penser. Au piano, accompagnée d'un guitariste, sa pop variété mélodique a plus de mal à s'imposer après le rock, la folk ou la country des autres participants à ce plateau. Tout en charme et en douceur, elle interprète le morceau qui donne le nom à son album, "Le pied dans ma bulle". Des arrangements moins minimalistes auraient certainement donné plus d'ampleur à des compositions au demeurant agréables.
Le soir, sous le chapiteau principal se produisent les Lost Bayou Ramblers, du rock cajun très accrocheur, mais déjà vus deux jours auparavant. Ensuite sont programmés les Porn Flakes, groupe de rock de reprises, très solide, qui invitent d'autres chanteurs ou des personnalités (en espagnol, on dirait des "famosos") à les rejoindre sur scène pour interpréter des chansons de leur répertoire ou reprendre des standards. Comme on les a vus la veille, c'est l'occasion de s'attarder sur les bonnes découvertes de l'après-midi qui jouent dans divers bars de la ville.
Tout d'abord, on retrouve la chanson rock de Jérôme Dupuis-Cloutier au bar du restaurant Saint-Hubert de Granby. Les conditions ne sont pas excellentes pour le concert, la salle n'étant pas vraiment prévue pour ce genre d'évènement. Il y a très peu de place et les artistes jouent dans la lumière tamisée des lieux sans éclairage particulier. Pourtant, la prestation du jeune homme et de son groupe nous confirme dans l'excellente première opinion qu'on avait eu l'après-midi.
Ensuite, toujours au même endroit, Jimmy Hunt installe sa batterie et se lance dans un tour de chant qui là encore tient toutes ses promesses. On attend avec impatience de le voir dans une salle digne des ses compos accrocheuses, celui qui parfois accompagne Coeur de Pirate en live au Québec sur la chanson "Pour un infidèle", en lieu et place de Julien Doré.
Migration en direction du centre de Granby, vers la micro brasserie Le Grimoire pour le concert de Joseph Edgar. Si, au Grimoire, le lieu se prête mieux à un live qu'au Saint-Hubert, en revanche le son y est particulièrement mauvais (enceinte qui crache) et fort. Malgré un concert encore une fois tendu et en énergie, j'abandonne lorsque mon oreille gauche commence à siffler. De toute façon, Joseph Edgar et Lisa LeBlanc passent en concert gratuit, le 29 septembre, au Centre Culturel Canadien à Paris. Une soirée à ne pas manquer pour les amateurs de chanson francophone. Personnellement, aucun doute que j'y serai.
Je me dirige alors vers le chapiteau où j'ai tout juste le temps de voir les Porn Flakes accompagner les Loco Locass d'abord dans un rap, puis dans une reprise "1990" de Jean Leloup. Je rencontre alors Jean-Noël, un journaliste venu de France comme moi, qui me dit que Lisa LeBlanc, qui a remporté le concours du 42e Festival International de la Chanson de Granby (c'est-à-dire l'édition de l'année dernière) a complètement retourné le public avec sa chanson "Ma vie c'est d'la merde", et que Marco et les Torvis sur la scène Desjardins méritaient le coup d'oeil.
On se dirige alors vers le Pub Du Village, histoire de terminer la soirée en sirotant une bière Belle Gueule (j'en ai bu quelques litres sur la durée du séjour, espérant ainsi être encore plus désirable à mon retour en France) et en écoutant le Raggamuffin de Mad'MoiZèle Giraf. Je connais peu ce style, c'est bien fait, je ne suis pas perdu, mais après cette longue journée, il faut maintenant aller se préparer pour assister à la grande Finale du samedi dont les participants sont le montréalais Mathieu Lippé, l'acadienne Marie-Philippe Bergeron et les gaspésiennes Klô Pelgag et Mélanie Boulay.
|