La superstition séculaire et janusienne attachée au vendredi 13 a donné une idée, et son titre, à une nouvelle collection pour les Editions La Branche
qui ont proposé à 13 écrivains de renom de composer un polar autour de cette date symbolique.
Ouvre le feu de la première salve, avec "Close-up" de Michel Quint et "L'arcane sans nom" de Pierre Bordage
, Jean-Bernard Pouy qui livre "Samedi 14".
Le père du fameux Poulpe, qui aime inaugurer les collections et pratiquer l'écriture à contraintes, s'amuse en l'espèce, sinon à les détourner, du moins à les décliner de manière inattendue puisque le vendredi 13 n'est, en l'occurrence, chargé d'aucune connotation de chance ou de malheur.
Sa seule caractéristique est de précéder le samedi 14 qui marque pour le personnage principal la fin d'une époque dont il ne sait ce qu'il adviendra ensuite, si ce n'est que le destin rattrape toujours ses ouailles.
L'intrigue démarre telle une illustration du proverbe "Il ne faut pas réveiller un chat qui dort". En l'espèce, le chat est un gros poisson. Il s'agit de Maxime Gerland, tête pensante d'un réseau terroriste démantelé qui s'attaquait aux grands patrons et aux hommes politiques d'extrême droite.
Celui-ci, à la petite cinquantaine alerte malgré un lumbago chronique, pourtant considéré comme le bel âge de la maturité pour un homme, s'est mis au vert en s'installant au fin fond de la Creuse dans une bicoque prêtée par un ami. Oh pas pour un revival retour à la terre soixante-huitard avec élévage de brebis et fromage bio. Pour la paix de l'âme.
Vivant chichement du RSA, ses seules occupations d'ermite païen, à part la lecture de son livre de chevet "Pierrot mon ami" de Raymond Queneau et l'écoute de vieux CD de rock, consistent à cultiver en son jardin quelques plans de chanvre et de boire le guignolet avec ses deux petits vieux de voisins.
Et c'est au milieu de ses soliloques quotidiens que pandores et CRS investissent la baraque avec la délicatesse qui prévaut quand la raison d'Etat est en jeu, non pas pour le cueillir mais parce que ses voisins sont les parents du nouveau ministre de l'intérieur et que leur refus de quitter leur maison obligent une garde rapprochée sur place avec évacuation des alentours.
Et au lieu de prendre ses cliques et ses claques sans moufter, il la ramène ce qui le conduit illico en garde à vue. Et comme ledit est ministre est plutôt antipathique, réactionnaire et affublé de quelques casseroles, cela le démange et réveille de vieux réflexes de contestataire libertaire face à "la grande majorité de la population de veaux en douce stabulation" qui l'élira comme président.
Alors, il se dit que cette déveine est peut-être sa chance de retrouver la vraie vie. Car se sachant toujours recherché, il n'a rien à perdre : faire la nique à la police et aux as de la DCRI et se payer la tête d'un ministre pas au bout d'une pique mais de manière tout aussi efficace avec le levier de la morale constituaient de bonnes motivations pour sortir de la torpeur de sa retraite.
Commence alors une vie de cavale dont il connaît tous les arcanes et
de fouteur de zizanie qui n'est pas pour lui déplaire que Jean-Bernard Pouy distille de manière jubilatoire traçant des portraits tardiesques, et semant, ici et là, quelques petites bombinettes textuelles et surtout une bien jolie Justine avec une intrigue digne de la collection Harlequin. |