Comédie de Carlo Goldoni, mise en scène de Frédéric Maragnani, avec Philippe Vieux, Crystal Shepherd-Cross, Roberto Magalhaes, Christine Gagnieux, Bartholomew Boutellis, Marion Lecrivain, Amélie Jalliet, Tom Linton, Karl Eberhard, Leslie Bouchet et Jean-Paul Dias.
Ca tricote, ça tricote sur le grand plan incliné gris métallisé qui évoque le toit d’un immeuble. A Chioggia, ville côtière du nord de l’Italie, les femmes des pêcheurs s’occupent en attendant le retour de leurs hommes. On se cherche, on se provoque, on s’embrouille pour passer le temps et parfois cela fait un barouf d’enfer…
La nouvelle adaptation de Jean-Paul Manganaro du texte de Carlo Goldoni s’amuse avec la langue et crée, à l’image du parler argotique de ce quartier populaire, voulu par l’auteur dans le texte original, un langage entre celui de Zazie de Queneau et du grec dans "La noce" de Tchekhov. Déroutant les premières minutes, le procédé tient plutôt bien la distance et s’avère même très savoureux dans la bouche de certains (Patron Fortunato ou la substitute Isidora).
Après "La Parisienne" qu’on avait pu découvrir l’an dernier au TOP avec bonheur, Frédéric Maragnani dessine une nouvelle fresque colorée, animée et dynamique, ses marques de fabrique.
Pour cette mise en scène de "Barouf à Chioggia" rebaptisée "Baroufs" qui évoque les comédies italiennes des années 80 ou les premiers films de Pedro Almodovar, il transpose l’action de la pièce de nos jours et mélange burlesque et émotion.
Le parti-pris de décor limite un peu l’animation et le texte bavard tourne parfois légèrement en rond mais c’est tout de même un très agréable moment que l’on passe sur ce toit, truffé de scènes succulentes (Philippe Vieux et Crystal Shepherd-Cross sont absolument exceptionnels l’un et l’autre) émaillées de trouvailles en tous genres comme ce haut-parleur qui convoque les gens au tribunal.
Au final, tout ce barouf fait n’est, pour ce quartier populaire de port de pêche, que le moyen de se sentir exister, comme un rituel immuable qui témoigne de l’amour et des liens qui unissent ces habitants. D’ailleurs, à Chioggia, tout se termine par des bisous… |