Venant du San Francisco Museum of Modern Art, l'exposition "Matisse, Cézanne, Picasso... L'aventure des Stein" fait une incursion outre-Atlantique au Grand Palais avant de repartir pour le Metropolitan Museum of Art de New York.
Organisée en France avec le Musée national d'art moderne elle présente la singularité d'être une exposition d'oeuvres d'art qui ont appartenu à des collections particulières.
Rien de novateur sur ce point dès lors que de telles collections ont déjà présentées telles "Du Gréco à Dali - Les grands maîtres espagnols de la collection Perez Simon" au Musée Jacquemart-André, "Romanov, tsars collectionneurs" à la Pinacothèque de Paris et ou "La Collection Clark à Giverny, de Manet à Renoir" encore actuellement au Musée des Impressionnismes de Giverny.
En l'espèce, la singularité tient çà ce qu'il s'agit de la collection d'une fratrie qui, dans l'effervescent quartier d'artistes de Montparnasse au début du 20ème siècle, fédère l'avant-garde de la peinture et de la littérature.
La saga artistique des Stein
Sous le commissariat de Cécile Debray, conservateur au Musée National d'art moderne, l'exposition parisienne est organisée autour de la personnalité de chacun des Stein, Léo, Gertrude, Michael et son épouse Sarah, qui montraient une sensibilité et des goûts différents.
Dès lors l'accrochage des toiles, des oeuvres majeures de jeunes peintres devenus des maîtres, ne répond pas tant à un propos sur l'histoire de l'art qu'à l'illustration d'une biographie familiale.
Cette narration fait l'objet des "boîtes" colorées rassemblant documents, écrits et vidéos conçues par la scénographe Véronique Massenet.
Les Stein s'installent en France au début du 20ème siècle, avec, par ordre d'apparition sur la scène culturelle parisienne, Léo et Gertrude, puis Michaël et son épouse Sarah. à l'instar de nombre de leurs concitoyens qui constituent une véritable colonie américaine et animeront la vie intellectuelle et artistique parisienne (voir par exemple sur ce point les souvenirs de John Glasco "Mémoires de Montparnasse").
Représentants de la tendance "artiste-bohème", ils suivent la mode des salons intellectuels avec les "samedis" des Stein qui accueillent et présentent, tel une galerie, les oeuvres de ceux qui étaient encore à peine des artistes émergents et deviennent des collectionneurs-mécènes.
Leur aisance financière ne leur permet cependant pas de rivaliser avec la fortune de certains de leurs compatriotes - le couple Clark, Albert Barnes ou Duncan Phillips pour ne citer qu'eux - qui les ont précédé dans l'engouement pour l'art du Vieux continent, pour multiplier les acquisitions d'oeuvres des "quatre piliers de l'art moderne" que sont Manet, Renoir, Degas et Cézanne.
Ils se tournent alors vers les peintres en devenir, comptant parmi les premiers acheteurs de Matisse et de Picasso qui constituent les fleurons de cette exposition dont le parcours est scandé par les prédilections différentes de la fratrie.
L'initiateur de la collection, Léo Stein manifeste plutôt un goût pour une modernité classique.
Même s'il est capable d'audace en achetant le "Meneur de cheval nu" de Picasso, la fameuse "Femme au chapeau" de Matisse et son "Nu bleu, souvenir de Biskra" présenté entre "La sieste" de Bonnard et le "Grand nu allongé au coussin jaune" de Valotton.
Michaël Stein, le financier, et sa femme Sarah qui écrit "Paris est le marché du monde et l’on peut y apprendre les principes de l’art et du commerce", misent avec sagacité sur Matisse pou rune notoriété partagée.
L'exposition présente ainsi un ensemble tout à fait exceptionnel non seulement de toiles (à ne pas rater les petits formats de nus - "Nu dans l'herbe", "Nu dans un paysage", "Nu dans la forêt" - et les baigneuses de "Le bonheur de vivre" à la palette acidulée), mais également de lithographies, dessins et sculptures.
Le deuxième niveau de l'exposition est consacré à Gertrude Stein et son engouement pour Picasso qu'elle suivra ensuite sur la voie du cubisme le compagnonnage esthétique se substituant au mécénat.
Le visiteur pourra découvrir un florilège des oeuvres de Picasso, principalement des années 1906-1910, période de gestation du cubisme.
Ainsi Gertrude Stein portraiturée par Picasso en 1906, dont le visage est figé comme un masque, préfigure l'épure du "Nu à la serviette" de 1907 retenu comme visuel pour l'affiche de l'exposition.
L'exposition se clôt sur une série de portraits de Gertrude Stein tant picturaux (Jacques Lipchitz, Pierre Tal-Coat, Picabia, Francis Rose) que photographiques (dont ceux de Man Ray et Cecil Beaton) dans une salle placée sous la présence imposante d'un bronze de Jo Davidson. |