Spectacle burlesque conçu et interprété par Sigrid La Chapelle, Pierre Soubestre et Dominic Baird-Smith accompagnés au piano par David Benadon.
Il est des spectacles, toujours rares, qui, au niveau individuel à l'instar des grands événements messianiques, découpe le temps en termes sinon d'ère nouvelle du moins de révélation : il y a "avant" et "après".
Tel est, et sera, le cas pour ceux qui apprécient le registre du burlesque avec le spectacle éponyme dispensé par Les Mangeurs de lapin qui s'avère une formidable pépite valant son pesant d'or ne serait-ce que par son incursion dans la défense et de protection de la faune consistant en la présentation du dernier specimen vivant de ce qui pourrait devenir le dodo hexagonal, le toucan du Médoc.
Ce trio déjanté et hétéroclite composé, par ordre de taille décroissante, du jongleur Dominic Baird-Smith, du performeur Sigrid La Chapelle et du comédien Pierre Soubestre, interprète une partition qui revisite, à l'aune de l'art du clown, de la pratique du décalage, de l'éloge du ratage et du comique de geste, les grands classiques du cirque, du cabaret et du music hall.
Accompagnés au piano par David Benadon qui a composé un habillage musical digne de la fameuse Piste aux Etoiles, ils immergent le spectateur dans un univers irrésistible, drôle et roboratif, d'un comique placé sous le signe de l'absurde et du non-sens qui entraîne ce dernier à retrouver une âme d'enfant.
Pierre Soubestre, dont la prestation de ballerine dans "Les balais de la ville de Paris" est désopilante, joue, entre autres, le maître de cérémonie ringard et bedonnant en smoking qui parle beaucoup pour ne rien dire et se prend pour James Bond avant de se prendre quelques vestes et les pieds dans le tapis.
Dominic Baird-Smith, dans le personnage du dadais écossais à l'air de ravi de la crèche qui tient absolument à placer son numéro de cornemuse, est le circassien de service pour qui le jonglage aérien ne saurait se satisfaire des balles traditionnelles y préférant les raquettes de tennis ou les boules de métal utilisées pour le lancer du poids. Et il ne faut pas être le dernier des branquignols pour rattraper sur une fourchette à barbecue collée sur le front la pomme qui joue la voltigeuse propulsée par une bascule de saut miniature.
Quant à Sigrid La Chapelle, clone contorsionniste et muet d'un Klaus Nomi qui ne serait pas encore totalement tombé dans la 4ème dimension, il est au coeur de véritables numéros d'anthologie, tels celui des "éléphants-cancan", du cycliste gonflable ou fakir coincé, toujours conçus à partir d'une épure et au double effet kisscool : derrière la première couche d'évidente loufoquerie ou de burlesque dans la tradition chaplinesque, se cache la seconde se cache la seconde, qui frôle le métaphysique, qui n'est jamais exempte de tragi-comédie, d'humour au second degré et/ou de poésie.
Un spectacle à voir absolument et à déguster sans modération. Et ne ratez pas le lapin ! |