Jean-Claude Kella est un nom qui ne m’inspire rien du tout, c’est bon signe, c’était un braqueur… en 1992. Il vogue lui aussi sur la vague de Mesrine et ses acolytes pour nous livrer un récit, au titre explicite Holp up. Il signe là son deuxième roman, le premier était L'Affranchi. Sans commentaire. Ah si, c’est un livre de souvenir.

Et Jean-Claude Kella ne triche pas sur la marchandise. 236 pages exactement consacrées à la préparation, aux doutes, au repérage, aux magouilles, à  l’organisation, à la prise de risque, au braquage, à la fuite, aux questions, aux doutes, à la belle vie aussi. En 1992, on comptait en franc (en nouveaux francs même), 146 millions de francs, c’est une belle somme et même en euros, ça fait encore "j’ai gagné au loto". C’est ce que Marc et ses potes dérobent à la Banque de France. "Aujourd’hui, 139 millions sont encore dans la nature". Perso, je ne pense pas qu’ils soient réellement dans la nature, plutôt sur un compte offshore à faire des bébés à virgule et à profiter à un sacré veinard. Un voleur, certes, mais un veinard quand même.

Ce qui est plus étonnant dans le récit, c’est qu’il est à deux voix. La première est celle de Marc, l’instigateur du hold up. La deuxième voix est celle de Manu, un homme sans histoire, qui a la malchance d’être vigile à cette Banque de France visée. Un beau matin, des inconnus se pointent chez lui, lui ligotent une ceinture d’explosifs autour de la taille, emmènent sa femme et son fils dans un lieu inconnu. Manu est devenu la clé de la banque. Contre son gré.

Et Jean-Claude Kella n’en finit pas de nous étonner. En plus d’une écriture qui tient en haleine, il ne laisse pas le lecteur sur sa faim avec une "oui mais quoi maintenant ?" après le jour J : j’ai-gagné-au-loto-sans-la-fdj, il continue le récit, croisant les voix de Marc et Manu, pour l’enquête. Parce que ce film avec Brad Pitt, Jason Bourne, docteur Ross et sa femme Julia Roberts fait comme si l’histoire s’arrêtait à la victoire des braqueurs, alors que pas mal de forces de polices se mobilisent pour rattraper les biftons des citoyens.

C’est à ce moment que le roman passe d’un quasi-banal récit de braquage au récit d’une machine infernale. Sans pointer les bons et les méchants, sans porter d’accusations injustes ou infondées, Jean-Claude Kella se contente des faits, quelques impressions et laisse le lecteur penser le reste. Notamment à propos de Manu, qui se retrouve suspecté de complicité. Au début, c’est logique, mais il reçoit des nouvelles de sa famille bien tard, information volontairement cachée pour faire pression sur lui. Même après toutes ces années, Manu est regardé de travers par les policiers, comme s’il avait gardé la somme perdue, mais aussi parce qu’il est témoin d’un échec, celui de la perte de toutes ces sonnantes-et-trébuchantes.

Partant d’un récit populaire, Jean-Claude Kella livre un témoignage inattendu sous forme de regard croisé, où les victimes ne sont pas forcément celles que l’on croit.