A l'époque, si l'on en croit la célèbre et invérifiable rumeur lancée tel un pavé dans la marre par Brian Eno, il semblerait que le premier album du Velvet Underground se soit liquidé à 10 000 exemplaires.
On atteindrait aujourd'hui les 500 000 exemplaires selon Philippe Manoeuvre. Néanmoins on ne sait toujours pas combien selon la police. Pourtant, si les chiffres semblent incroyablement bas, chaque acheteur aurait monté son propre groupe. Il devient alors difficile de ne pas mentionner l'influence d'un tel groupe sur la face du monde.
Aux commandes de cet incroyable vaisseau, l'on retrouve les imprévisibles, s'il est nécessaire de le rappeler, Lou Reed et John Cale qui, selon les dires du premier, avaient pour but de faire face à des types comme Hubert Selby.
Mais revenons en à l'acteur principal de cet article. John Cale fait partie de ces musiciens clefs dans l'histoire de la musique, ceux qui ont toujours emprunté les parcours bis, car oscillant toujours entre l'expérimentation sonore et la découverte de ce que l'on peut vulgairement appeler la pop music.
Car, on ne le sait pas forcément, mais bien avant le Velvet Underground, soit en 1963, John Cale monte un festival qu'il catégorise de "musique actuelle" où, selon le programme, l'on demande au public d'"apporter un son inaudible" et où l'on retrouvera alors des pièces de Georges Brecht, de La Monte Young et de John Cage.
Aussi, il est important de revenir sur Paris 1919 afin de bien comprendre le déroulement du concert auquel nous avons assisté ce soir.
Paris 1919 est considéré, et ce à juste titre, comme étant l'oeuvre majeure de John Cale. Il s'agit d'un disque de pop symphonique très européen (rappelons que Cale est Gallois), malheureusement encore trop peu connu, et qui n'a rien à envier aux plus grands sommets du genre (ceux de Bill Fay, de Duncan Browne, de Paul McCartney, voir des Stranglers), tant les compositions et arrangements sont d'une modernité sidérantes.
D'ailleurs nous avions eu la chance d'assister l'année dernière à l'interprétation live de ce chef-d'oeuvre par John Cale et l'Orchestre National d'Île-de-France, qui fut un moment de musique exemplaire.
Néanmoins, ce concert s'était soldé par des compositions plus récentes et plus électriques, un poil plus banales et cliché, qui annonçaient l'inégal Ep sorti ces jours-ci chez Domino. On était donc conscient que la Set List qui serait présentée ce soir sur scène ferait du concert un moment d'anthologie ou un moment anecdotique.
Mais tout d'abord place à Slow Joe & The Ginger Accident, qui ouvrent le bal ce soir.
Slow Joe est indien, vétu à la Captain Beefheart et possède un timbre de voix similaire à celui de Renate Knaup (chanteur d'Amon Düül II).
Curieux mélange des genres, accompagné par les impeccables Ginger Accident aux sonorités pour le moins sixties. L'énergie est bonne, notamment sur une reprise de "Set The Controls For The Heart Of The Sun" du Floyd.
Pourtant, comme dirait Jacques Dutronc, "ça ne prend pas", et l'ensemble nous a laissé de marbre et ressemblait plus à une farce. Surtout sur un passage a capella où les limites vocales de Slow Joe se firent largement ressentir.
Juste avant l'arrivée sur scène de John Cale et de son groupe, le splendid a choisi de passer une pièce d'alto de John Cale qui est en fait une relecture de "Venus in furs" qu'il était possible d'entendre durant la tournée de 2007, cela augure du bon.
Pourtant malgré un bon départ avec les excellents "Dancing Undercover" et "Captain Hook" (d'ailleurs, il y a définitivement un parallélisme à faire entre Dustin Hoffman et John Cale), la suite de la set list ne nous semble pas satisfaisante, mais le public est ravi.
Question, donc : que faut-il attendre d'un concert de John Cale ? Car, comme dit précédemment, sa carrière a évolué dans plusieurs registres.
Et finalement d'un certain point de vue le concert fut réussi. John Cale est parfait que cela soit à la guitare ou au piano, et maîtrise surtout son chant (malgré quelques beuglements casse-gueule).
Le bassiste, bien trop discret, l'est également. Et que dire de l'incroyable batteur martelant impitoyablement ses futs avec précisions, donnant un groove incroyable et implacable à la section rythmique ?
Le principal problème du groupe fut le guitariste, qui en fit des tonnes et des tonnes, ajoutant des précisions inutiles et lourdes, mais qui au final proposa un jeu impersonnel et semblait singer Robert Fripp, et ce sur la quasi totalité des morceaux.
Le tout manquait alors d'espace et était réellement étouffant.
Notamment sur la reprise de "Heartbreak Hotel", dont certaines versions sont incroyables (voir le live aux BFBS Studios de Cologne), oppressantes et venant des tripes, mais qui fut ici un véritable fiasco, bien trop progressive et free, où John Cale usa d'un vocoder qui n'avait strictement rien à y faire.
John Cale lâche ses claviers et reprend sa six cordes, et l'ensemble est bien plus satisfaisant même si encore une fois les compositions choisies ne sont pas les meilleures.
Mais les bons morceaux du nouvel EP ("Catastrofuk" et "Whaddaya Mean by that") furent bien interprétés et c'est déjà pas mal. La fin du concert fut bien plus sereine avec "Pablo Picasso" et "Helen Of Troy", toutes deux issues de l'album du même nom. On relèvera également le choix de "Amsterdam" qui en rendit plus d'un mélancolique dans la salle, malgré l'apparition d'un sample de saxophone à la fin du titre, qui était encore une fois peu judicieux.
Vouloir en faire trop fut donc le gros bémol du live, pourtant même si nous sommes sorti déçus, il faut reconnaitre que le groupe assure. Aussi il manquait cruellement de morceaux de Paris 1919, qui auraient été vraiment nécessaires.
Croisons les doigts pour la prochaine fois donc. Car franchement ce titre d'album est bien plus olympique que si on l'avait nommé "Lille 2011". |