Le titre alléchant à la Frédéric Dard, "Vice et Versailles" complété par le sous-titre "Crimes, trahisons et autres empoisonnements au Palais du Roi-Soleil" laisse accroire à une croquignolesque histoire des turpitudes royales revisitée par le petit bout de la lorgnette par une plume aussi érudite et inspirée.
Las, que nenni ! Erreur fatale sur toute la ligne ! Son auteur, Alain Baraton, n'est en rien ni historien, ni écrivain, mais le jardinier en chef du Domaine national de Trianon et du Grand Parc de Versailles.
Alléguant son "côté émissaire de la République", il se pique de littérature historique et signe un livre de 200 pages, écrit à la va-comme-je-te-pousse nonobstant la collaboration de Laure de Chantal, normalienne et agrégée de Lettres Classiques, auquel il assigne, outre de révéler au bon peuple de France et à la face du monde que "Versailles, c'est la grande boutique des horreurs" et non un palais de contes de fée", pas moins de deux fonctions d'utilité publique.
A savoir, en premier lieu, rendre "hommage à ceux, et ils sont nombreux, qui ont souffert dans leur chair et payé de leur vie pour nous permettre aujourd'hui de contempler et d'apprécier le château des rois, Versailles" au rang desquels il cite dans un grand élan poujadiste, "les centaines de manoeuvres tombés des toits ou écrasés par des pierres, les milliers de terrassiers et soldats morts de fièvre ou de fatigue en creusant des canaux qui alimentent les fontaines, les malheureux communards fusillés parmi les orangers, les jardiniers, gardiens, artisans, pompiers, administratifs morts à Verdun ou déportés pendant la Seconde Guerre mondiale".
D'autre part, procéder enfin, sans crainte de "ternir le lustre de Versailles", au rétablissement des vérités historiques sinon occultées par les historiens, qualifiés de "grenouilles de bibliothèque", du moins simplement évoquées en utilisant "la figure de rhétorique la plus classique qu'il soit, l'euphémisme".
Ses références historiques ? Pas de compétences personnelles et pas de bibliographie citée en annexe mais des affirmations appuyées par des intimes convictions personnelles ("nul doute selon moi que", "ce qui est sûr à mes yeux", "à mon avis"), des évidences par analogie subjective ("il me semble évident que si Damiens avait su quelque chose il aurait parlé. Moi, j'en suis sûr, j'aurai tout déballé et sans hésiter") et des indications vagues ("j'ai lu dans plusieurs livres", "d'après des historiens bien documentés"), ce qui est fâcheux en termes de crédibilité et de valeur historique.
Enfin, à côté du sujet annoncé en sous-titre, il adjoint de nombreuses digressions hors sujet tenant entre autres aussi bien à des souvenirs personnels, à l'attentat des indépendantistes bretons en 1978, à sa rencontre annuelle le 16 octobre avec le fantôme de Marie-Antoine, à l'occupation du château de Versailles par les Prussiens en 1870, à la pratique du théâtre à la cour et aux vols commis dans l'enceinte du château.
Bref, il écrit ce qu'il veut mais personne n'est obligé de lire ce qu'il écrit. |