Comédie dramatique de Ariel Dorfman, mise en scène Claude Vajda, avec Anna Cottis, Rodrigo Ramis et Victor Qezada-Perez accompagné au piano par Osvaldo Calo.
Dans un pays indéterminé, après le retrait de la junte militaire qui laisse place de nouveau à la démocratie, Gérardo, un avocat se voit nommé à la tête d'une commission d'enquête sur les épisodes douloureux traversé par le pays. Or Paulina, sa femme, a été torturée durant la période de dictature militaire.
Alors qu'il rentre chez lui un soir, l'avocat tombe en panne. Il est ramené dans sa maison isolée au bord de la mer par un automobiliste, Roberto. Mais sa femme croit reconnaître en ce dernier le médecin qui assistait les militaires pendant les interrogatoires. Elle décide de le séquestrer, et à son tour de le torturer pour lui faire avouer ses crimes.
La pièce d'Ariel Dorfman, qui fut conseiller culturel du président Salvador Allende renversé le 11 septembre 1973 au Chili par les troupes du Général Augusto Pinochet, est un huis-clos particulièrement oppressant qui pose de nombreuses questions.
Sous ses aspects de thriller, il traite à travers des destins singuliers d'un sujet encore aujourd'hui d'actualité, après les évènements du printemps dernier en Egypte ou plus récents en Lybie par exemple, qui n'est généralement abordé qu'au niveau de la nation : les épisodes toujours douloureux de réconciliation nationale, et les frontières parfois floues entre les scènes de vengeance ou de justice qui s'ensuivent.
Le décor de la pièce va encore renforcer l'impression chez le spectateur de la recherche d'une nouvelle virginité de ceux qui ont souffert jusque dans leurs chairs de la dictature. Tous les meubles de l'intérieur bourgeois du couple sont blancs, et les cadres en arrière-plan sont vides comme si les souvenirs devaient être effacés.
Après l'arrivée du bourreau présumé, le canapé au milieu de la scène sera taché de sang comme si le souvenir d'un indélébile péché originel remontait à la surface et la mise en scène de Claudia Vajda joue beaucoup de l'utilisation des lumières, les clairs-obscurs accentuant les tourments qui habitent et traversent Paulina.
Le formidable trio d'acteurs, Anna Cottis, Rodrigo Ramis et Victor Quezada, instaure une tension permanente dans ce combat entre la justice et la vengeance, entre la morale et le besoin de transgression pour se reconstruire.
Sur scène, en spectacle vivant, le texte d'Ariel Dorfman se transforme en une parenthèse encore plus dérangeante que le film éponyme de Roman Polanski avec Sigourney Weaver et Ben Kinsley. Et ce sombre joyau tient le spectateur en haleine du début à la fin. |