Quand on me demandait : "tu veux faire quoi quand tu seras grande, ma petite ?", j’aimais beaucoup répondre : "je ne veux pas faire médecin, et je ne serai jamais grande". Vœux exhaussés !
Le seul endroit où j’aurai pu éventuellement croiser Raoul Tubiana, c’est sous l’effet de morphine, dans un lit stérilisé, pour une opération chirurgicale. Mais je n’ai pas eu cette chance (?), et je ne l’aurai plus, il a cessé d’exercer et profite de son temps pour transmettre ses savoirs. Il faut dire qu’il a parcouru pas mal de chemin !
C’est ce qu’il raconte dans son dernier livre (un roman ! Pas une énième publication chirurgicale destinée aux érudits d’Hypocrate dont il a signé plusieurs titres) : Entre tes mains. Quel fabuleux titre qui laisse présager tout un tas de jeux de mots, vu que le livre est resté entre mes mains pour la lecture… oh oh oh ! Oui, je sais, ce n’est pas drôle.
Je disais donc, Entre tes mains, de, par et avec Raoul Tubiana, de sa naissance dans une lointaine contrée ensoleillée (l’Algérie), à son tout récent pontage (ou un truc dans le genre, un rafistolage du cœur en somme, un truc génial qui laisse du temps pour vivre encore un peu, beaucoup, passionnément). Dans sa longue existence, ce monsieur a guidé De Gaulle dans un hôpital militaire, a diné avec Coco Chanel et d’autres dont je ne connais pas l’histoire.
Sa formation de médecin se passait pas trop mal, sa carrière avait pas trop mal commencé, mais la guerre a éclaté et du jour au lendemain, l'homme se retrouve amputeur, chirurgien, greffeur, y tout y tout. Le défi était de taille mais il a réussi : apprendre la médecine sur le tas, rien de tel qu’une petite guerre pour une formation express. Par la suite, il ne s’est pas contenté de ses acquis d’expérience, Raoul Tubiana s’est exilé aux Etats-Unis, pour parfaire sa formation.
Le livre livre (oui, c’est redondant, mais c’est le mot : the book gives), ou bien le livre nous livre le cheminement de Tubiana au long de son parcours, parce que la médecine en général est jonchée de spécialités en particulier, chacune fait écho à l'autre, se complète et s’y réfère... d’autant plus quand on s’intéresse à un organe aussi complexe que la main. Parce qu’à l’instar des Playmobil, la main n’est pas qu’une vulgaire pince à ouvrir des canettes et apporter des chips à sa bouche. La main est aussi un organe sensoriel ultra-complexe et dépend directement du bras au moins jusqu'au coude. Oui rien que ça, et encore, s’il me lisait, je suis certaine qu’il me reprendrait par mon manque de précision.
Après de multiples formations, des stages, des rencontres, des échanges d’expérience, Raoul Tubiana se retrouve à la fois orthopédiste et chirurgien de ces jolies petites choses toutes pleines de doigts que sont nos charmantes mimines. Et il se tourne naturellement vers les musiciens, parfois victimes de maux étranges, qui vont bien plus loin que de simples tendinites, mais peuvent parfois complètement handicaper le joueur de piano, de gratouille, de flûte…
Non, le livre ne raconte rien d’autre, il ressemble à une auto-rétrospective de sa vie avant de partir en paix, j’y vois plutôt l’évolution d’un métier, la passion d’un homme humble qui regarde toujours plus loin, toujours en avant, sur ce qui peut être fait pour améliorer le quotidien, avec des techniques cartésiennes, mais efficaces : le bistouri en fait parti. |