Texte de Peter Handke, mise en scène de Peter Van den Eede, avec Gene Bervoets, Natali Broods, Sofie Palmers, Marijke Pinoy et Peter Van den Eede.
Non-théâtre, approche nihiliste du jeu, absence de mise en scène... On peut qualifier de diverses manières cette "pièce", "Outrage au public", mais ce serait alors rester dans une approche primaire de ce spectacle (car cela demeure un spectacle).
A la croisée du théâtre et de la performance, "Outrage au public" a été écrit par Peter Handke en 1966. Durant cette non-pièce, il ne se passe rien, si ce n'est que des acteurs pendant 90 minutes expliquent aux spectateurs qu'ils ne jouent pas mais sont dans la réalité, occupent le même espace et surtout le même temps qu'eux. À l'époque de sa création, cette pièce qui nie le théâtre avait fait scandale.
Il faut remettre cette pièce dans son contexte et la réintégrer dans une dynamique internationale d'artistes qui critiquaient la société de consommation et avaient pour ambition de rendre sa conscience au consommateur afin qu'il reprenne en main son destin d'être humain.
Cette pièce fut la première fois montée en 1966. La passivité du consommateur se transformera quelques décennies plus tard en un cynique "temps de cerveau disponible pour vendre du coca-cola" selon l'expression d'un dirigeant de TF1, Patrick LeLay.
"4,33" de John Cage interprété par David Tudor en 1952 explorait la notion de temps et d'aléatoire dans la musique. Ensuite, dans le cinéma, Alain Resnais en 1961 avec "L'année dernière à Marienbad" puis Andy Warhol avec "Sleep" en 1963 se sont aussi intéressés à la notion du temps au cinéma. Ces oeuvres novatrices, expérimentales et plus ou moins provocatrices, d'écoulement du temps sous diverses formes artistiques poussent le spectateur à s'interroger sur sa présence physique devant le déroulement de la pièce musicale ou des films.
Dans son roman "Les choses" (1965), Georges Perec, par la répétition d'objets décrits de manière minutieuse, s'ingénie lui aussi à suspendre le temps tout en critiquant la société de consommation. Avec "Outrage au public, Handke suit cette même logique à travers le théâtre.
Même si le texte semble aujourd'hui plus amusant que choquant, il reste néanmoins d'actualité sur le bonheur amené par la consommation et la profusion, surtout en période de crise.
Alors peut-on saluer la mise en scène du Collectif De Koe ? Les ruptures de rythme dans le déroulement du spectacle par l'apparition de tables chargées de victuailles qui n'arrivent que pour être détruites sur scène ou de projection de texte sont bienvenues.
Doit-on applaudir la performance des cinq comédiens de ce collectif ? Gene Bervoets, Natali Broods, Sofie Palmers, Marijke Pinoy et Peter Van Eede sont tous les cinq tout à fait naturels.
Tout cela est bien fait car le paradoxe se pose dans le principe de départ de cette pièce, quelle place occupe la mise en scène, le jeu et la réalité ? |