Comédie dramatique de Christian Morel de Sarcus, mise en scène de MAG, avec Florian Bernard, Olivier Carette, Martine Delor, Cécile Descamps, Marine de Gouvello, Antoinette Guédy, Romain Jouffroy, Philippe Jourde, Alain Michel, Christian Morel de Sarcus, Evelyne Selles, Valentin Terrer et Brigitte Winstel.
Sur le plateau noir de la grande salle du Théâtre du Nord-Ouest, deux minuscules espaces scéniques latéraux : l'un, la maison physique, pour accueillir les invités de la belle société à fêter la fin de la villégiature d'été par une soirée déguisée avec champagne et feux d'artifice, l'autre matérialisant le lieu dédié du maître de maison, bureau d'un écrivain qui s'adonne à la prière et aux paradis artificiels.
Entre les deux, exempt d'objets comme d'humains, un vaste espace vide, un no man's land, l'espace mental d'un homme face au néant à peine troublé par la présence d'une épouse plébéienne (Brigitte Winstel parfaite en pragmatique lucide et cruelle) qui, pratiquant un amour de comptable, clôt le bilan de vingt ans de vie commune par une demande en divorce et d'enfants décevants, un fils oisif (Florian Bernard) et une fille désabusée (Marine de Gouvello prometteuse).
Mais en cette soirée unique, surgit l'homme de la dernière nuit, un bien inattendu arlequin sous le masque duquel se cache un fou clairvoyant échappé de l'asile voisin, à moins que ce ne soit le messager de la faucheuse, un double vengeur ou une hallucination auquel l'interprétation exceptionnelle de Valentin Terrer confère une ambivalence d'une inquiétante étrangeté.
Avec "La nuit dernière", qui mêle la fiction fantasmatique à la réalité, à moins que ce ne soit l'inverse, et renouant avec les grands thèmes de l'écriture classique, Christian Morel de Sarcus traite du point de rupture d'un vrai mélancolique en phase terminale doublé d'un nauséeux existentialiste miné par la jeunesse enfuie face à un présent qui se délite. D'une plume aussi acérée que la langue est travaillée, il dissèque une âme torturée submergée par les rêves perdus et les désirs inassouvis.
Dans une mise en scène épurée qui mise sur le réalisme onirique, il incarne parfaitement cet homme désenchanté au bord de l'abîme qui ne croît plus ni en l'homme ("Il ne faut rien attendre des autres car ils vont mourir aussi"), ni en la vie qu in'est qu'une succession de trahisons envers soi-même ("la vie est une maladie à guérir d'urgence"). |