Oui, c’est également pour cette raison que je me suis tapée des livres insoutenables : pour m’octroyer la gloire de la découverte d’une belle plume : Jean-Michel Riou. J’avais déjà passé une nuit avec lui et son Secret de Champollion (je vous le conseille aussi), et le revoilà donc dans mes bras pour le premier volume de la trilogie versaillaise (Le palais de toutes les promesses), j’ai nommé Un jour, je serai roi.
Jean-Michel Riou est à Louis XIV ce que Christian Jacq est aux momies : un parfait raconteur d’histoires dans l’Histoire, un maître dans l’art difficile du voyage dans le temps. Non, je ne mesure pas la portée de mes mots, mais on s’en fiche, je suis séduite, je ne vois pas pourquoi je m’en priverai. Ce sont des auteurs de cette trempe qui m’ont réconciliée avec la grande Histoire.
Il s’est levé un matin avec une idée : et si je racontais la vie de Louis XIV de ses premiers cris à ses dernières rages de dents ? De ses projets fous et de ses aspirations culturelles ? Puis un doute s’est profilé : est-ce que tout n’a pas déjà été dit à propos de ce Roi Soleil, starlette des manuels scolaires ? La réponse est non, évidemment, Louis XIV reste un roi fascinant pour tous ceux qui s’y sont frottés, y compris vous, petits lecteurs.
Tout simplement parce que ce roi là aimait l’Art en grand, des choses de l’esprit à celles du corps, il a élevé le Royaume de France au rang de pays culturé. Et même si à côté de pauvres ouvriers sans le sou mourraient de froid dans leurs misérables chaumières (ils ont frôlé la glaciation à l’époque), même si la toilette était une notion floue et superflue (cela a permis l’invention des parfums), il a fait construire l’insolent Versailles au milieu d’un marais franchement putride.
C’est à cette partie de l’histoire que s’attaque Jean-Michel Riou, de manière peu banale. Le roman débute dans une cave puante, dans laquelle une jeune femme accouche, assistée par une vieille bique un peu sorcière. Un curé jésuite en soutane se pointe, récupère le bambin braillant, la bique se retrouve avec la maman épuisée, l’étrangle avec un drap sans sommation. Au même moment, des coups de canon annoncent la venue au monde d’un petit héritier pour le Royaume, c’est qu’il est content papa Louis XIII !
Voilà, les dés sont jetés : un bâtard né dans le caniveau : Toussaint Delaforge, face au dauphin du trône : Louis le quatorzième. Le chemin n’est pas le même selon qu’on naisse dans la fange ou dans la soie, mais les rêves prennent doucement forme en grandissant, que ce soit un rêve de vengeance pour le misérable : "retrouver mon père", et un rêve de splendeur pour le roi : "Versailles sera mon palais".
Jean-Michel Riou a une plume particulière, il est facilement identifiable par sa façon de faire des bonds dans le temps pour nous donner le futur, puis de retracer les étapes qui ont permis d’en arriver là. Un exemple : le chapitre se termine par le refus de Toussaint de retourner au collège de Montcler dans lequel son oncle l’a placé. Fin de la deuxième partie. Page suivante : troisième partie. Une taverne lugubre qui fait également fight club, se prépare à accueillir le combat du siècle avec "le combattant des arènes", invaincu depuis plusieurs années. Le combattant, c’est Toussaint. Hop, on sait directement ce qu’il est devenu, il suffisait de tourner la page.
Voilà de quoi contenter les lecteurs les plus impatients. Oui, mais comment a-t-il atterri ici avec le paquet de fric qu’il avait sur lui en quittant son oncle ? Jean-Michel Riou comble les années pour les plus curieux et continue l’histoire du combattant pour les impatients. Et tout ça sans jamais perdre le lecteur ! Le genre de livre qui fait 600 pages, qu’on ne lâche pas avant d’en avoir savouré les derniers caractères, le premier volume d’une trilogie brillamment achevé par une réponse, et une nouvelle question (réponse dans Le roi noir de Versailles).
"Une saga fascinante où se mêlent amour et argent, vengeance et trahison". Un Toussaint Delaforge qui vaut bien un Edmond Dantès, face à un Louis XIV qui vaut bien un Napoléon. Un sacré bouquin que j’en dis moi, pas prêt de caler un meuble celui-là ! |