Spectacle conçu et mis en scène par Julie Duclos, avec Delphine Hecquet, David Houri, Yohan Lopez, Guillaume Ravoire et Alix Riemer.
Bien que composée de jeunes comédiens issus récemment du CNSAD, la Compagnie In-Quarto s'est fondée autour, non pas de la volonté de porter sur scène des oeuvres dramatiques, mais du principe de "l'acteur-créateur" qui "vient témoigner de son rapport au monde, de sa propre histoire" et "d'une façon de travailler qui s’invente, basée sur l’improvisation et le matériau personnel des acteurs".
Alors que racontent ces acteurs et comment ? Pour leur première création, dont le titre, "Fragments d'un discours amoureux", est celui de l'essai de l'écrivain et sémiologue Roland Barthes qui traite du discours amoureux au plan linguistique, ils proposent, dans un spectacle conçu et mis en scène par Julie Duclos, un montage de micro-scènes traitant de leurs embarras amoureux tels qu'ils existent dans leurs histoires personnelles.
Ces tracas qui, à l'ère de l'hyper-communication et en une époque du sexe libéré et décomplexé, ne présentent aucune singularité par rapport à ceux des générations précédentes, sont articulés autour du sentiment amoureux et d'une mythologie résolument vintage, celle des années 60 véhiculée par la Nouvelle Vague à laquelle se réfère la note d'intention de Julie Duclos, manifestant une nostalgie profonde des personnages d'enfants terribles et révoltés et de l'amour fou.
Les acteurs qui ont gardé leur identité délivrent un texte boutiqué selon diverses modalités, du jeu à la profération, qui privilégie les situations d'attente, qu'il s'agisse de l'attente de son amoureux ou de ce moment de "l'avant" où tout est encore incertain, avec en gimmick la fameuse attente neurasthénique du coup fil pitonné devant un appareil fixe ce qui ne manque pas d'humour masochiste à l'heure de la téléphonie mobile.
En la forme, ce spectacle formaté "multimédia" (théâtre, vidéo, musique) répond aux critères de l'estampille "jeune création contemporaine" et est placé sous double influence.
En premier lieu, celle des récurrences de mise en scène de Yann-Joël Colin, qui fut professeur au CNSAD, qui tiennent notamment à la suppression du 4ème mur et des autres, et donc de la scène, en l'occurrence en partie limitée par un lieu ne comportant que deux issues, et à la pratique de déplacements incessants des acteurs qui sillonnent un espace de jeu déconsruit.
La seconde, induite par le traitement vidéo prégnant et les emprunts à Roland Barthes qui place le spectacle sous influence rohmérienne. Les deux jeunes comédiennes ont d'ailleurs le physique des héroïnes rohmériennes : Delphine Hecquet avec ses immenses yeux bleus qui mangent son visage lumineux rappelle celui de Pascale Ogier ("Les nuits de la pleine lune") et la mine parfois boudeuse de Alix Riemer celle de Béatrice Romand entrevue dans l'extrait du film "Le beau mariage" qui est inséré dans le spectacle en compagnie d'extrait de "A bout de souffle" de Jean-Luc Godard et de "Les amants du Pont-Neuf" de Leo Carax.
Cela étant, Delphine Hecquet, Alix Riemer, Yohan Lopez, Guillaume Ravoire et David Houri, loufoque effeuilleur de marquerite artificielle qui donne envie de le voir dans un vrai rôle plus conséquent, sont au diapason d'un spectacle qui constitue une variation d'un travail réalisé en atelier de troisième année au CNSAD. |