Monologue narratif d'après l'oeuvre éponyme de Michel Onfray dit par Bernard Saint-Omer. Contrairement à certains de ses homologues générationnels, Michel Onfray, philosophe, enseignant, écrivain, éditeur et chroniqueur ayant acquis une belle notoriété, n'est pas né dans la soie et les dentelles des beaux quartiers. Il est issu d'un milieu pauvre, en bas de l'échelle sociale, d'un père ouvrier agricole et d'une mère femme de ménage.
En 2009, il publie un texte intime, "Le corps de mon père", qui se présente à la fois, bien évidemment comme une ode magnifique à la figure paternelle et une bouleversante déclaration d'amour filial, par écrit interposé, entre le père taiseux peu démonstratif et le fils avide de tendresse, éperdu d'admiration et bavard intarissable de curiosité, une chronique intime de la réalité quotidienne de la pauvreté et une peinture sociale de la condition de l'ouvrier agricole dans les années 60, ouvrier qui est une bête de somme taillable et corvéable à merci.
Et le corps exploité de son père a engendré une deuxième fois le fils, en forgeant la conscience politique de celui qui allait devenir un philosophe hédoniste, libertaire et rebelle.
Bernard Saint Omer a travaillé sur ce texte d'une évidente simplicité et sobriété d'écriture, le fils marchant dans les traces du père pour l'économie des mots et l'évocation de l'indicible, pour donner à l'entendre sur scène.
Comédien averti, il se garde bien de le convertir en représentation théâtralisée et en restitue la majestueuse et sensible intensité.
Il donne voix à la parole du fils qui raconte les odeurs peu bucoliques qui infestaient l'atmosphère, la cuisinière en fonte alimentée par le petit bois fendu dans la cave qui sert également de radiateur pour le galetas, 2 pièces de 20m² pour quatre personnes, les toilettes à l'extérieur, la toilette dans le baquet en zinc et la vie de la maisonnée rythmée par le travail harassant du père au corps puissant dont l'enfant croit qu'il ne faillira jamais alors qu'il est, comme ceux des autres, fragile.
Sculpteur, il transforme la scène en atelier sur laquelle il a installé son matériel, dont il se sert effectivement, et quelques unes de ses oeuvres, qui évoquent celles du sculpteur américain David Smith, des figures primitives réalisées avec des matériaux de récupération, notamment du matériel agricole.
Tout au long du récit, dans une odeur de pain qui cuit, et qui sera partagé avec le public, il tisse ainsi un récit métaphorique parallèle, celui de l'existence de la naissance à la mort. |