Spectacle conçu et et mis en scène par Krystian Lupa d'après une pièce de Lars Noren, avec Anthony Boullonnois, Audrey Cavelius, Claire Deutsch, Thibaut Evrard, Pierre-François Garel, Adeline Guillot, David Houri, Aurore Jecker, Charlotte Krenz, Lucas Partensky, Guillaume Ravoire, Lola Riccaboni, Mélodie Richard, Alexandre Ruby et Matthieu Sampeur.
A l'initiative de René Gonzalès, le directeur du Théâtre Vidy-Lausanne, le metteur en scène polonais Krystian Lupa a travaillé avec de jeunes promus d'écoles de théâtre sur une partition sociologico-théâtrale fleuve du dramaturge suédois Lars Noren, "Catégorie 3.1" écrite en 1997, qui aborde le quotidien des marginaux urbains et révèle, à travers ceux affranchis quelle qu'en soit la cause - amorphisme, désespoir, déreliction, pyschotisme, alcoolisme, chômage et autres - des contraintes sociétales et morales, ce qui ressortirait de l'essence de l'homme.
Car le souci de compréhension du phénomène de marginalisation, porteuse d'interrogations sur les valeurs et les normes d'une société mais également sur ses carences, s'accompagne toujours d'une fascination, au demeurant non novatrice, une fascination duelle, morbide pour les enfers et les dérèglements auto-destructeurs comme chemins d'une nouvelle liberté, et existentielle, avec parfois la résonance apologique de la chute comme voie du salut, tenant à croire que là réside peut-être la vraie vie rimbaldienne.
Cette thématique rejoint les préoccupations de Krystian Lupa quant à sa conception du théâtre, le théâtre de la révélation comme instrument d'exploration et de transgression des frontières de l'individualité.
A partir de ce texte, il a mené, ainsi qu'il l'indique, "un travail d’exploration avec de jeunes acteurs en devenir" qu'il présente sous le titre "Salle d'attente" comme un docu-fiction résultant d'un mode opératoire spécifique, celui de "l’ouverture à un texte intime extra-conventionnel avec le spectateur" et de la provocation à la manière des performeurs.
Cela donne un spectacle d'une radicalité certaine qui, pendant près de trois heures, immerge le spectateur dans un espace spatio-temporel flottant où se croisent des individus qui semblent appartenir à un groupe non consciemment organisé, polymorphe et temporaire, mais qui ne partagent rien malgré la similitude de leur vie violente et pathétique. Ils restent indéfectiblement seuls, égarés, consumés.
La fameuse place du centre de Stockholm où zonent les marginaux locaux s'est transformée en sous-sol désaffecté vaguement tagué qui constitue le no man's land, au pire, ultime lieu de désintégration dans l'attente du rien, Beckett n'est pas très loin, au mieux, domicile de passage ou aire de stand-by qui revêt souvent une allure de descente aux enfers, de jeunes adultes marginaux ou marginalisés et toujours lieu ultime de parole, non pas que les autres les entendent mais ils les écoutent sans jugement.
Hors de toute trame narrative et d'intrigue, constitué de micro-scènes ponctuées de quelques vidéos focalisées sur un personnage à la manière des Screen tests de Warhol, le spectacle n'échappe pas à la stéréotypie tant des profils - le couple de junkies, le chômeur, l'alcoolique, la prostituée, le psychotique - que des signes - la seringue, le matelas, le caddie - et pâtit de quelques longueurs.
Et cependant, avec son parti pris de réalisme exacerbé, voire dérangeant, il devient un théâtre d'émotion puisqu'il est difficile de rester insensible à la dérive de ces jeunes vies perdues.
Sur scène, les quinze jeunes élus pour travailler avec le Maître, issus du CNSAD (Guillaume Ravoire, Matthieu Sampeur, David Houri, Pierre-François Garel, Thibaud Evrard, Mélodie Richard et Anthony Boullonnois), de la Haute école de Théâtre de Suisse Romande (Lola Riccaboni, Aurore Jecker, Audrey Cavelius et Claire Deutsch), de l'Ecole du TNS (Lucas Partensky et Alexandre Ruby), de l'Ecole Claude Mathieu (Adeline Guillot) et l'Ecole Supérieure de Théâtre Bordeaux-Aquitaine (Charlotte Krenz) sont tous de formidables acteurs. Certains se distinguent déjà comme de bons comédiens. |