Comédie de Shakespeare, mise en scène de Philippe Awat, avec Carlos Chahine, Mickaël Chirinian, Xavier de Guillebon, Laurent Despond, Jean-Pol Dubois, Jean-Marc Eder, Benjamin Egner, Florent Guyot, Pascale Oudot, Jean Pavageau et Angélique Zaini.
Après avoir séduit avec un épatant "Pantagleize" et un époustouflant "Roi nu", Philippe Awat déçoit avec cette version resserrée de "La tempête" de Shakespeare résultant de la traduction de Benoîte Bureau textuellement peu convaincante et manquant de souffle dramaturgique.
Ainsi, de la partition originale ne reste que la trame anecdotique de la vengeance du roi détrôné et abandonné au sort des flots par par un frère fêlon avec une large part faite aux deux personnages "surnaturels" de la pièce que sont Caliban, le rejeton méchant et difforme d'une sorcière, et Ariel, émanation spirituelle bienveillante.
Par ailleurs, pour cette pièce qu'il analyse comme "inquiétante et sévère, lyrique et grotesque", il indique dans sa note d'intention opter pour "un cadre sombre, surnaturel et anxiogène, entre réalité et hallucination, fantastique et merveilleux" qui ne ne se concrétise pas vraiment sur le plateau.
Le spectacle débute cependant de manière spectaculaire avec une scène à grand spectacle de tempête carabinée - évoquant toutefois davantage un épisode de la chasse à la baleine par le capitaine Achab - à l'issue de laquelle se dévoile sur scène ce qui est censé être une vague gigantesque symbole de la vie mais dont la couleur noire et la matière bitumeuse en font une module de piste de skate que quasiment tous les comédiens passent leur temps à descendre et gravir, toutefois sans rollers, comme leur permet leur condition physique.
Ce choix scénographique, étonnant et visuellement peu esthétique, même si Nicolas Faucheux, aux lumières, réussit à créer quelques belles images, réduit considérablement l'espace scénique et implique un jeu frontal statique et ascétique. Par ailleurs, le spectacle est conditionné, presque pris en otage, par le recours à des effets scéniques empruntant à la magie élaborés par Clément Debailleul et Raphaël Navaro de la Compagnie 14:20 considérée comme l'initiatrice d’un nouveau mouvement artistique, celui de "la magie nouvelle".
Même étonnement pour le traitement des personnages : Jean-Pol Dubois campe un Prospéro Merlin désenchanté, vieil ermite jardinier entouré d'une fille sauvageonne en culotte petit bateau (Angélique Zaini jeune promue de l'ESAD), d'un Caliban inspiré du Gollum de Tolkien vu parles scénaristes hollywoodiens (Florent Guyot) et d'un Ariel féminisé (Pascale Oudot) qui ressemble à un putti sorti d'un tableau du quattrocento non restauré dont les ailes sont remplacés par des déplacements magiques et registre opéra-bouffe pour les notables milanais (Mickaël Chirinian, Xavier De Guillebon, Carlos Chahine, Jean Pavageau et Jean-Marc Eder), les rôles comiques(Benjamin Egner et Laurent Despond) étant épargnés.
Cela étant, les comédiens pour la plupart aguerris, ne déméritent pas et le spectacle trouvera son public. |