Sur cet étrange emballage mes yeux voyagent et dévisagent ce visage. Anna Aaron pose. Elle se risque sur son disque. Elle s'érige contre les clichés, les images, telle une belligérante. La jeune femme paraît, sans âge, sage. Elle songe, ni bouleversée, ni angoissée, juste sclérosée, attisée par d'autres pensées. Joyeux ou triste présage ? Sans gêne, elle est nue. Ses yeux, ses traits, ses lèvres sont figés. Plongés dans d'autres ? C'est beau mais goudronneux et dégoûtant. Sur sa peau, dégouline un liquide visqueux. Devant la belle, les lettres s'amoncèlent, se bousculent : D O G S I N S P I R I T. Est-ce un anagramme ? La question reste en suspens. Elle m'inspire. Et malgré cette pochette inhospitalière, ce triste frontispice musical, je me laisse aspirer.
Sous les lumières, Anna Aaron présente son deuxième album. Je ne connais rien de son passé. J'avance vers l'inconnu. Première écoute. Dès les premières notes, je me laisse happée ni une, ni deux par "Elijah's Chants". Comme une incantation, l'ouverture est doucement ténébreuse. La tension monte du piano vers la guitare électrique. On imagine des ombres. Elles vocalisent, aigus et graves, autour d'un feu de notes foisonnantes. Le deuxième titre "Sea Monsters" confirme mes premières impressions. Certes plus vif, le paysage d'Anna Aaron se dessine, se tisse. Un univers nous enveloppe littéralement : envoûtant, mélancolique, langoureux, tant dans les notes que dans les mots. D'ailleurs, les références à la mythologie s'y bousculent... Comme l'impression de naviguer sur des flots aux côtés de sirènes.
"Siren" ? A ce titre, ma mémoire musicale s'éveille, en haleine. C'est cette voix, l'arme secrète, le noyau dur de la composition. Elle sonne douce et cristalline, grave et jazzy. D'où vient-elle ? Des visages féminins me viennent. Tori Amos, Kate Bush apparaissent comme un éclair. Puis, c'est au tour de PJ Harvey pour les moments plus rock, plus dynamiques, plus énervés, à l'image de "Where are you David". Des influences, des préférences, des évidences ? A la croisée de toutes ces cordes, la voix d'Anna Aaron dénote, émeut. Le duo piano-voix y a son importance. Les notes ruissèlent, ni trop, ni trop peu et épousent au diapason les élans graves et aigus de la chanteuse. Décidément, elle se risque décidément sur le disque. Écouter "The Passion", tout en acoustique, et vous en frissonnerez.
A...nna A...aron, a...byssal, a...tmosphérique, à... écouter. |