Spectacle conçu et mis en scène par Paul Golub d'après la vie et l'oeuvre de Edgar Allan Poe, avec Marc Jeancourt et Rainer Sievert.
Edgar Allan Poe, passé à la postérité à la fois comme poète maudit et inventeur du conte policier, le "poe-lar", est au coeur du réussi spectacle proposé par la Compagnie du Théâtre Bleu.
Son concepteur et metteur en scène Paul Golub y livre quelques pièces du puzzle d'une vie et d'une oeuvre qui ne peuvent se circonscrire en une heure quand bien même la vie, comme en l'espèce, est courte, dès lors que planent sur elle des légendes et de vraies zones d'ombre, car l'homme fut l'auteur prolifique d'une oeuvre abondante, en vers et en prose, de l'essai au roman en passant par la nouvelle.
Il a donc privilégié quelques jalons chronologiques et stylistiques pour esquisser le "Mystère Poe", celui de l'homme et de son univers littéraire, que cherchent à percer deux inspecteurs Gadget à la mode Dupont et Dupond qui perquisitionnent un cabinet de travail du 19ème siècle conservé dans son jus.
La lueur des bougies induisent une atmosphère troublante qui en fait un lieu d'autant plus vivant et "habité" que les deux acolytes, campés avec talent et loufoquerie par Marc Jeancourt et Rainer Sievert, s'investissent dans les documents personnels et les écrits du locataire au point de se prendre au jeu, un jeu médiumnique qui les conduisent à s'identifier à l'auteur selon une forme chère à ce dernier, celui du double.
Une forme que Paul Golub utilise également, et subtilement, pour aborder la transmutation du comédien et le phénomène, lui aussi mystérieux, d'incarnation du personnage qui préside à la représentation théâtrale.
S'il évoque les grands classiques de Poe dans l'inconscient collectif, notamment du fait de leur traduction par Charles Baudelaire, que sont "La Chute de la maison Usher", "Double Assassinat dans la rue Morgue", "Le corbeau" et "Le chat noir", il a choisi de présenter des oeuvres ou extraits d'oeuvres qui lui paraissent significatives et signifiantes tout en donnant matière au jeu théâtral.
Des oeuvres emblématiques comme "William Wilson", par son susbtrat autobiographique, "Eleonora", par la thématique récurrente de la femme-revenante, la mort de belles femmes, essence de la beauté, étant considérée comme le sujet poétique par excellence, "Eureka", oeuvre ultime d'inspiration transcendantaliste sur sa conception du monde.
Egalement, ce qui sera sans doute une découverte pour le spectateur qui n'est pas exégète de Poe, la veine comico-satirique de Poe avec "Lionnerie" dans lequel il épingle la bonne société inconsistante, imbue d'elle-même et versatile composée d'un aréopage de personnages aux noms évocateurs de commedia d'ell arte, la duchesse de Dieu-me-Bénisse, le comte de Choses-et-d’Autres, le sieur Fricassée du Rocher de Cancale, il signor Tintotintino de Florence, le Grand Turc de Stamboul, sir Positif Paradoxe, qui fait et défait les réputations.
Sur scène, cela donne, sous forme du petit théâtre de Guignol animé par Marc Jeancourt et Rainer Sievert irrésistibles, une bouffée de légèreté et de rire, néanmoins à double tranchant. |